Comment définir votre activité ?
"Clasquin est un organisateur de transport international et de logistique overseas. Nous organisons, pour le compte de clients divers, le transport de marchandises par voies aériennes, ferroviaires, maritimes ou routières. Mais nous ne possédons pas d'avions, ni de bateaux, de trains ou de camions ! Au fil du temps nous avons développé plusieurs expertises liées à la logistique : douanes/conformités, transports de véhicules chargés sur bateau, conseil en supply chain, etc. En cela, nous pouvons nous adapter et organiser du fret à la carte. Par exemple, nous proposons une offre de transport par camions depuis la Chine jusqu'en Europe."
Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir entrepreneur ?
"J'ai racheté Clasquin en 1982 alors qu'elle ne comptait que 12 personnes. Mon objectif était de développer son activité en Asie. Je voulais être indépendant et autonome dans mon parcours professionnel et je rêvais d'international, moi qui avais vécu quelques années en Égypte avant de rentrer en France à la fin des années 70. J'avais envie de voir le monde à travers un secteur, celui de la logistique et du transport qui existe depuis la nuit des temps et dans lequel on peut faire beaucoup de choses."
Positif malgré la crise
De quelle manière Clasquin a été impacté par cette crise exceptionnelle ?
"À l'exception de l'activité foires et expositions (Clasquin Fairs & Events) et du transport d'œuvres d'arts (Art Shipping), nos autres métiers sont en croissance au troisième trimestre 2020. Nous retrouvons, en fin de période, un niveau global d'activité en nombre d'opérations proche de celui de 2019. En maritime, nous prenons des parts de marché dans un contexte tarifaire élevé (+6,4 % du nombre de dossiers et +9,3 % de marge brute). En aérien, après une baisse de -40,4 % au T2, l'activité s'est redressée au T3 sans atteindre toutefois les niveaux de 2019 (-18 %) en raison à la fois de la baisse de l'offre et d'une réorientation des flux vers le maritime.
Bien qu'en recul par rapport au T2, les taux de fret sont restés élevés tout au long du T3 permettant ainsi à la marge brute aérienne d'atteindre un niveau équivalent à celui de 2019. Notre activité globale d'organisateur de transport international et de logistique overseas est donc restée très dynamique. Nous avons dû réorganiser notre chaîne logistique, car l'ensemble de la logistique mondiale était touché au même moment, pour maintenir la continuité de nos offres.
Nous sommes assez fiers, par exemple, d'avoir pu affréter l'Antonov(un gigantesque avion-cargo produit à un seul exemplaire, NDLR) en avril dernier pour transporter huit millions de masques entre Tianjin (Chine) et l'aéroport de Paris-Vatry. Un véritable exploit d'autant plus que l'engin n'avait pas touché le sol français depuis six ans !"

© DR
Yves Revol en dates clés
- 1982 Rachat de Clasquin par Yves Revol
- 1990 Spécialisation dans le transport maritime, après l'aérien
- 2006 Introduction en bourse
- 2016 Mise en place d'un nouveau comité exécutif
"Nos ambitions de développement restent les mêmes"
Comment l'avez-vous abordée, en interne ?
"Nous avons pu, dès janvier de l'année dernière, nous organiser, car nous sommes implantés en Chine avec 200 collaborateurs. Nous avons d'abord vécu la vague de fermeture des usines localement et puis ensuite, un arrêt total du fonctionnement du pays. Cela nous a donné un bel avantage. Nous avions des informations quotidiennes qui nous parvenaient jusqu'en France, mais jamais nous n'aurions pu imaginer que l'épidémie se répande partout ailleurs dans le monde. Nous voyions bien pourtant que les gens étaient confinés.
Les consulats et ambassades de notre pays, n'ont, d'ailleurs, pas bougé le petit doigt à cette époque... Nous avons rapidement pu bénéficier des mesures d'aides du gouvernement et freiner les dépenses classiques liées à notre activité internationale. Avec 66 bureaux implantés à travers le monde, plus personne ne pouvait voyager par la force des choses.
Nous avons donc mis en place un plan de stabilisation des charges. Je précise que nous avions vécu la même chose durant la crise de 2008 et nous nous sommes organisés en conséquence."
Plus globalement, que vous inspire cette période de crise ?
"Je dirais des banalités si je vous disais que cette crise est inédite, car touchant tous les pays du monde presque en même temps. Nous entrons, en tous les cas, dans une phase nouvelle de l'histoire du monde. C'est certain que cette période inspire à plusieurs titres, notamment concernant le business."
Est-ce à dire que cette nouvelle donne mondiale bouleverse votre feuille de route stratégique ?
"Nos ambitions de développement restent les mêmes. Nous avons, par exemple, lancé au troisième trimestre 2020 notre plateforme digitale baptisée Live by Clasquin. Un outil qui s'appuie sur un hub de données fiables et prédictives accessibles en temps réel. Cette plateforme donne un accès unique et sécurisé à nos clients leur permettant de dialoguer en mode collaboratif avec nos équipes, ou encore de suivre leurs opérations en temps réel.
J'ajoute que, fin 2019, nous avions racheté la société canadienne Cargolution (34 M€ de CA, 90 salariés - dont Clasquin détient 80 % du capital, NDLR), spécialisée dans l'expédition de fret. Nous allons, par ailleurs, créer une filiale en Europe et nous implanter dans un pays de l'Afrique subsaharienne. Globalement, notre développement à l'international passe par des projets d'acquisitions qui se déroulent sur le long terme."
Yves Revol : "L'humain a besoin de vrais échanges"
Dans quel état se trouve aujourd'hui votre secteur ?
Il est totalement chamboulé. Il faut savoir que 70 à 80 % des marchandises dans le monde transitent normalement par les vols commerciaux réguliers. Depuis que les avions sont cloués au sol, nous avons dû bâtir des solutions pour réagir face à cette situation. Si l'aérien fonctionne relativement bien, le maritime reste une voie problématique.
Dans un contexte où la Chine représente 50 % du transport maritime mondial, les compagnies se sont trouvées rapidement désorganisées, car surprises de l'arrêt brutal de l'activité, mais surtout prises de court à l'heure de la reprise. Les ports américains ont été surencombrés par des conteneurs restés à quai car le transport routier ne suivait plus face à la demande massive. Les prix se sont mécaniquement envolés."
Va-t-on revenir au "monde d'avant" ?
"Nous nous remettrons à voyager, c'est certain. L'humain a besoin de vrais échanges et, personnellement, ça me manque. En attendant, je m'active tous les jours à échanger par visio-conférence avec chacun de mes directeurs de filiales pour maintenir le contact. Cette logique multicanale de communication, nous l'avons, finalement, développée il y a de nombreuses années."
Êtes-vous animé par la transmission de votre entreprise ?
"Si je n'ai pas de descendance intéressée pour l'instant par la reprise de mon groupe, je peux compter sur l'implication d'Hugues Morin, mon directeur général qui dirige et anime nos équipes de la plus belle des manières. Je suis pour ma part président et m'occupe de la stratégie et des croissances externes. Les salariés sont également très impliqués dans nos métiers. Nous avons 30 cadres actionnaires et, globalement, 13 % du capital appartient aux collaborateurs.
Par ailleurs, tous les salariés de Clasquin touchent une part de variable, quels que soient leurs niveaux de poste. Notre devise "Clients, profits and fun" résume bien notre état d'esprit. Il est indispensable que les salariés se fassent plaisir dans leur travail. Notre métier est tellement vivant que personne ne s'embête !"

© Clasquin / Yves Revol au côté de son directeur général Hugues Morin nommé en 2019. Le duo se partage les fonctions opérationnelles et de développement
Entre nous...
Son style de management... Déléguer, faire confiance et travailler en équipe.
Ses lectures... Je ne lis pas de romans, plutôt la presse spécialisée en économie ou les ouvrages de société.
Ses rituels... Je n'en ai pas : mon agenda est très flexible selon les jours !
Son lieu d'inspiration... Il fut un temps où le Désert du Sinaï m'invitait à la réflexion.