La raison d'être de l'application Ti3rs, en cours de déploiement depuis son siège social à Lyon, c'est de sécuriser les relations entre conjoints séparés pour causes de violences familiales. Des relations néanmoins obligatoires dans le cas d'une garde partagée, mais qui sont difficiles à gérer pour les victimes.
C'est parce qu'elle est elle-même séparée depuis quatre ans d'un conjoint violent, qu'Eva Ngalle a constaté l'absence de solutions :
"La violence ne s'arrête pas après la séparation. Il y a des menaces par SMS, du harcèlement téléphonique… Si on ne parvient pas à désigner de tiers de confiance, comme c'est majoritairement le cas, il n'y a que peu d'options. Soit la victime continue de recevoir la violence de son ex-conjoint. Soit on passe par les avocats qui peuvent facturer cette prestation. Soit on sollicite un membre de la famille".
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Avec Ti3rs, une appli pour maîtriser et sécuriser les échanges
Eva Ngalle a donc imaginé il y a deux ans, l'application Ti3rs qui permet de maîtriser les échanges. Non seulement elle génère à l'abonné un faux numéro de téléphone sans changer de mobile ou d'abonnement, mais elle permet aussi de choisir les créneaux où les notifications sont autorisées, afin de ne pas être systématiquement soumises aux interpellations de l'ex-conjoint.
Un filtre permet aussi de ne pas faire apparaître les injures (remplacées par des caractères typographiques), afin de filtrer la violence du message. Mais l'appli permet aussi de garder l'historique complet des échanges, sans les filtres.
"En effet, en cas de harcèlement, il est à la fois fastidieux et douloureux de se replonger dans chaque message, pour constituer un dossier. Avec Ti3rs, les abonnés peuvent extraire toutes les conversations, les envoyer par mail ou les imprimer", développe Eva Ngalle.

Violences familiales : l'appli Ti3rs coconstruite avec les associations régionales
Accompagnée par le réseau d'entrepreneures Les premières à Lyon, Eva Ngalle vient de lancer la version test, alors que la première version sera disponible à lafin de l'été.
"Le modèle économique reposera sur un abonnement mensuel, en dessous de 10 euros par mois. Nous aimerions les vendre sous forme de licences aux associations d'aide aux victimes ou aux auteurs de violences, qui connaissent ces publics. Ces associations peuvent alors revendre les licences, les vendre moins cher, ou les offrir si elles ont pu les financer par un don ou du mécénat. Nous coconstruisons avec les associations. Nous avons un comité de pilotage tous les deux mois pour développer ensemble. Ce n'est pas pour rien qu'on veut passer par les associations. Quand une victime ira récupérer son abonnement, elle rencontrera des personnes capables de la soutenir", avance Eva Ngalle.
Eva Ngalle souhaite d'abord développer l'application en Auvergne-Rhône-Alpes avec une cinquantaine de familles la première année, "soit 1 % des familles concernées par les violences dans les associations que j'ai consultées". Un rythme qui lui permettrait d'être rentable dès la deuxième année, après un investissement de 38 000 euros pour la réalisation de la première version, en partie financée par un crowdfunding qui commence ce mercredi 8 mars.
L'entreprise Ti3rs est labellisée Esus : entreprise solidaire à utilité sociale, l'équivalent entreprise de l'association d'utilité publique.