Ce n'est sans doute pas un hasard si Brigitte Jaques-Wajeman, grande amatrice du dramaturge puisqu'elle a déjà monté pas moins de neuf de ses pièces, a jeté son dévolu sur cette pièce difficile à l'automne 2015.
Avant les attentats au Bataclan mais après celui de Charlie Hebdo, et surtout après « la destruction des bouddhas de Bamiyan, celle plus récente des statues antiques du musée de Mossoul, enfin, la destruction journalière des temples de la cité antique de Palmyre, offre une analogie frappante, avec les actes de Polyeucte qui veut faire triompher son Dieu et éradiquer toutes traces d'autres croyances » comme elle l'explique dans sa note d'intention.
Polyeucte est un jeune édile arménien fraîchement marié à la fille du gouverneur et converti au IIIè siècle après J.C., soit en pleine persécution romaine, qui saccage un temple pour dresser « des autels sur des monceaux d'idoles/ négliger pour lui plaire, et femmes, et biens, et rang/exposer pour sa gloire et verser tout son sang » et se retrouve, comme prévu, condamné à mort. La pièce en 1800 et quelques vers se déroule à Mélitène, capitale du royaume arménien sous occupation romaine, mais ici point de colonnes et de toges, les interprètes sont en costumes de ville, et la metteure en scène offre un écrin au texte, seulement le texte, à entendre et à voir.
Quel bonheur d'entendre cette langue française qui roule, qui sonne comme une musique, dans des vers scandés par de jeunes comédiens et comédiennes qui ont l'air de prendre un immense plaisir, si l'on en croit les critiques parisiennes à se plonger dans ce flot de mots qui résonnent comme une petite musique ancienne, qui réveille des souvenirs enfouis tout en parlant au monde d'aujourd'hui.
Théâtre de la Renaissance, 21 au 23 mars, www.theatrelarenaissance.com