Quelle est l'ambition de la Fondation prospective et innovation (FPI) ? Ses missions ont-elles évoluées depuis 1989 ?
La Fondation a été créée en 1989 par René Monory (président du Sénat de 1992 à 1998) et François Dalle (PDG de l'Oréal de 1957 à 1984). On constate déjà le croisement de la politique et de l'économie. La FPI participe de la même philosophie que le Futuroscope créé à la même période (ndlr : dont René Monory a été l'initiateur), avec ses missions éducatives, de formation, de service aux entreprises, et fondé sur les technologies innovantes. Le Futuroscope est donc un télescope qui scrute l'avenir et la Fondation en est quelque sorte la lentille.
A son origine la Fondation était affectée à la réflexion sur les grandes mutations notamment technologiques qui allaient bouleverse le monde et les décideurs privés et publics français se devaient d'en être informés pour qu'ils puissent répondre et réagir pour tirer profit de ces changements.
L'identité charentaise de la FPI a évolué vers une dimension plus internationale lorsque Jean-Pierre Raffarin a repris la présidence il y a près de 10 ans. Nous continuons à travailler et à fournir des études sur ces ruptures technologiques qui agitent le monde, nous allons d'ailleurs prochainement entamer un cycle sur l'intelligence artificielle sous l'angle de l'impact sur la société, l'économie et le système financier français.
Il s'agit en fait de quantifier, de mesurer les changements et les rapports de force à l'échelon planétaire en écho avec la montée des pays émergents (Brics). La Chine, en tant que premier pays émergent au début des années 2000, et qui a résolument modifié l'ordre mondial, s'est naturellement inscrit dans notre cadre d'étude.
Quel est le rôle de la fondation dans le cycle politique et diplomatique ?
Les travaux de la Fondation, dès son origine, étaient destinés à une large diffusion vers les décideurs. Depuis 10 ans, nous continuons la production de nos ouvrages. En parallèle, nous avons mis en place des missions, des voyages, des rencontres qui permettent de peser directement ou indirectement sur l'écosystème politico-économique. Chaque année nous organisons plusieurs opérations en Chine, sur une ou deux semaines, à la fois pour les étudiants mais également pour les entreprises, essentiellement des Pme et ETI. L'idée étant de leur permettre de mieux connaître la Chine de l'intérieur et grâce à l'aura de Jean-Pierre Raffarin, représentant spécial du gouvernement pour la Chine, de leur permettre de nouer des contacts de confiance de haut niveau. Le mois prochain par exemple, nous organisons une rencontre franco-chinoise sur le digital. Par l'information et la mise en contact, c'est une manière de peser sur le cours des choses.
La diplomatie économique française envers la Chine est-elle satisfaisante ?
Je crois que la diplomatie économique a toujours existé, existe et continuera d'exister. Même si Laurent Fabius, lorsqu'il était ministre des Affaires étrangères, a donné une dimension particulière à cette notion, celle-ci est bien plus ancienne. Ce qui donne aussi toute sa force à ce terme, est le passage en 2014 du commerce extérieur au Quai d'Orsay. La diplomatie économique se situe à plusieurs niveaux. En prenant l'exemple de la Chine, celle-ci se situe au niveau du Président de la République, du gouvernement, des administrations… Il y a en place toute une série de canaux qui fonctionnent bien, tant en France qu'en Chine. Nous aurons ainsi à Lyon le mois prochain la visite du vice-Premier ministre chinois, Han Zheng.
Mais on ne peut s'arrêter à ce seul niveau public et institutionnel. Il est nécessaire que les acteurs privés jouent aussi un rôle. On le voit ici à Lyon à l'occasion de ce forum franco-chinois : universités, entreprises et institutions politiques travaillent main dans la main.
Quel est l'élément majeur selon vous de la transformation de la société chinoise ?
La société chinoise a résolument évolué avec l'introduction par Deng Xioping de la réforme économique qui va de pair avec une certaine liberté d'entreprendre, ce qui a permis un réel décollage durant les Trente glorieuses. Après une phase d'apprentissage, la Chine est entrée dans une ère d'innovation.
La Chine veut échapper au piège de l'économie de stade intermédiaire, ce plafond de verre qui fait que des pays en développement n'arrivent pas à être de véritables pays développés ; car il n'ont pas en eux-mêmes les ressources nécessaires pour créer de la richesse et de la productivité. Depuis quelques années, les Chinois investissent à l'étranger, c'est un des signes de la mutation.
Quelles sont les attentes des entreprises et des autorités chinoises pour la construction de partenariats durables ?
Les Chinois attendent une certaine stabilité dans les règles. On ne peut pas demander à un investisseur chinois à la fois de se comporter comme les autres et à la fois de ne pas les traiter comme les autres. Il doit savoir comment investir et où investir. La Chine attend de ces partenariats que cela fasse progresser l'entreprise, d'où l'importance de l'innovation et du marché concerné. La France intéresse la Chine en matière démographique, dans un contexte de vieillissement de notre population. Et on le voit bien, nos entreprises issues de la silver économie trouvent des débouchés en Chine. L'important est d'avoir des règles qui soient respectées de part et d'autres. Et je crois que les Chinois sont prêts à entrer dans ce raisonnement.
On oppose souvent le copyright occidental au « right to copy » asiatique. Cette problématique est-elle toujours aussi vivace ?
Il y a à la fois une réalité culturelle et une nécessité économique. Dans la culture chinoise, copier n'est pas un mal. On copie ce qui est bien. Réussir pour une entreprise chinoise c'est parvenir à copier ce qui semble être l'apogée d'un art. Le right to copy c'est un peu la culture traditionnelle. Aujourd'hui, les Chinois s'aperçoivent que ce système ne fonctionne plus ainsi et eux-mêmes commencent à avoir des intérêts à se protéger des copies à les prévenir. Lorsque j'étais ambassadeur au Vietnam, il y a une quinzaine d'année, nous avions une action pédagogique liée à la propriété intellectuelle française. On se rend compte aujourd'hui que ce pays doit protéger certains produits, comme le nuoc mam, devenu une appellation d'origine contrôlée. Les autorités vietnamiennes ont bien compris l'intérêt de protéger.
En Chine des progrès ont été fait dans ce sens. Les entreprises locales déposent de plus en plus de brevets, ont de plus en plus de créativité et ont donc plus de choses à protéger. C'est le cours normal de l'histoire économique du pays, comme il en a été de l'Allemagne, du Japon ou de l'Angleterre en leurs temps.
Lyon tient-elle une place particulière dans les relations franco-chinoises ?
Lyon permet de projeter une meilleure image de la France, je parle d'une image plus exacte. C'est à dire que la France ne se résume pas à Paris et aux seuls secteurs du luxe et de l'art de vivre. Tout comme en Chine, il existe de grandes villes mais également des villes intermédiaires. Il est donc important que les Chinois comprennent que l'agglomération lyonnaise compte.
Il y a un écosystème à Lyon que l'on ne retrouve pas dans d'autres villes de France. Il y règne un esprit d'équipe. A l'occasion de ce forum franco-chinois, on retrouve ainsi des présidents d'universités, le président le métropole de Lyon, le maire de Lyon aux côtés du PDG de Seb (ndlr : Thierry La Tour d'Artaise).
Notre fondation accompagne et soutient ces dynamiques régionales et nous avons décidé avec les autorités lyonnaises d'inscrire dans le temps de rendez-vous.
Vous serez prochainement à Cannes à l'International Private Equity Market (Ipem), pourquoi ?
Nos entreprises, essentiellement les Pme et ETI et on besoin de fonds propres et de facilités à l'international. Ce forum met en présence tous les acteurs private equity : les sociétés de gestion, les investisseurs, les avocats, les pouvoirs publics, les start-up…
Nous aurons une cinquantaine de pays représentés, ce qui permettra à la fois d'échanger des expériences et de mettre en contact des entreprises avec ces experts. In fine c'est bien l'internationalisation des entreprises qui est recherchée par ce biais. Nos entreprises hors des frontières sont peu nombreuses et moins nombreuses sont celles qui durent dans le temps.
La diplomatie semble faire le lien entre politique et économie, partagez-vous ce constat ?
Ce qui m'a plu dans ma carrière de diplomate, et ce que j'essaye d'ailleurs de prolonger au sein de la Fondation prospective et innovation, c'est l'éclectisme. C'est à la fois la nécessité de connaître le pays dans lequel on est en poste et d'avoir une empathie avec lui. Connaître et comprendre ne signifie pas pour autant accepter. Mais si on ne fait pas l'effort de comprendre l'autre, vous passer à côté de la mission.
Par ailleurs, un diplomate est à la fois dans la politique, la géopolitique, le droit, l'économie, la culture et le social… C'est ce qui fait la particularité de la diplomatie française, cette capacité à intégrer et à accepter l'autre.
Dans beaucoup de pays, le politique continue à être un facteur important de l'économie. C'est ce qui fait que j'y ai pris beaucoup de plaisir et que je souhaite poursuivre cette action au sein de notre Fondation, avec une équipe dynamique et jeune. Car je le précise, exceptés Jean-Pierre Raffarin et moi-même, il n'y a que des trentenaires !
Dates clés
2016 Directeur général de la Fondation Prospective et innovation
2005 Ambassadeur de France en Tunisie
2002 conseiller diplomatique de Jean-Pierre Raffarin.
1996 Ambassadeur de France au Vietnam
1989 Ambassadeur de France au Bangladesh