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Industrie/Sébastien Ferrari : la croissance au fil du temps

Industrie/Sébastien Ferrari : la croissance au fil du temps

ActualitéGrand témoin Publié le ,

L'entreprise familiale, qui porte le nom de votre père, a vu le jour en 1973, mais la fibre entrepreneuriale qui vous anime ne vient-elle pas de beaucoup plus loin ?

Si en effet, l'histoire court en fait sur quatre générations, même si les chemins se sont séparés avec l'arrivée aux commandes de la troisième génération. Tout a commencé avec Louis Ferrari, mon arrière-grand-père, qui avait lancé une activité dans les textiles. Il s'est rapidement orienté vers des niches techniques, réalisant notamment les premières toiles de parachute. Mais, au début des années soixante-dix, des problématiques de gouvernance importantes ont finalement décidé mon père à partir de son côté pour voler de ses propres ailes et c'est ainsi qu'il a lancé l'activité qui est la nôtre actuellement. C'était un réel pari, risqué. Pour assurer la réussite de son projet il a vendu pratiquement tout ce que nous possédions, ne conservant que les vignes que nous avions dans le sud de la France, à Bormes-les-Mimosas. Lorsque je l'ai rejoint en 1980, à sa demande, il y avait 30 personnes dans l'entreprise. Je garde le souvenir d'une période difficile, car nous évoluions dans un environnement compliqué, mais particulièrement formatrice. Cela a vraiment été une école formidable.

L'entreprise s'est-elle d'emblée positionnée sur les marchés qui sont les siens actuellement ?

Nous avons réellement commencé à nous spécialiser sur des marchés de niche à partir des années quatre-vingt. Aujourd'hui, nous sommes des spécialistes reconnus des matériaux composites souples. Nos produits sont armés, avec à l'intérieur des armatures en micro-câbles de PET et à l'extérieur des couches de polymères qui peuvent être des PVC, des silicones, des résines fluorées… Tout cela est destiné à trois grands marchés, qui sont tous porteurs et en croissance.

Justement, quels sont-ils ces marchés que vous adressez et quelle est leur part respective dans votre activité globale ?

La construction est le premier de nos trois marchés. Dans ce premier ensemble, qui a représenté 37 % de notre chiffre d'affaires l'année dernière, on retrouve notamment les toitures de stade, comme le Groupama Stadium, Gerland… Nous sommes également très présents dans le domaine de l'architecture, où nos produits sont utilisés pour la réalisation de toitures et de façades ventilées, comme à Toulouse avec le siège d'Airbus Industries. Toujours dans ce même univers de la construction, on retrouve nos produits dans la protection solaire ou encore dans l'acoustique. Avec là encore des références majeures, comme le futur stade qui accueillera la Coupe du Monde de football au Qatar, en 2024. Tout le plafond est équipé de matériaux acoustiques spéciaux qui ont été spécialement conçus pour ce projet-là et qui absorbent 60 % du bruit.

Notre deuxième marché tourne autour des matériaux de spécialités pour l'industrie. Là encore, nous sommes présents sur plusieurs niches. Tout d'abord les matériaux pour faire de grands entoilages de structures mobiles comme GL Events en installe partout sur la planète.

Nous sommes ainsi systématiquement présents sur les Jeux Olympiques, sur les Expositions Universelles… Nous sommes même leader mondial sur les bâtiments de très grande portée, car nous avons mis au point une technologie qui rend nos produits particulièrement stables en cas de vent, de neige… Il est cependant important de préciser que ces grands événements, très médiatisés, ne représentent en fait qu'une minorité de notre chiffre d'affaires sur cette niche d'activité. Le plus gros de notre business est en fait réalisé sur des opérations beaucoup plus banales, comme la couverture de préaux d'écoles dans le monde entier, des lodges hôteliers de petite dimension, des petits événements locaux… Enfin, sur ce segment, nous sommes aussi présents sur des niches moins connues, comme l'aquaculture, avec des fermes d'élevage de saumons où nous amenons une nouvelle technologie.

Le poids de ce deuxième marché est-il sensiblement équivalent au premier ?

Oui, à peu de choses près, puisqu'il a généré 39 % de notre chiffre d'affaires en 2017. Notre troisième marché, que nous avons regroupé sous le vocable de Consumer, est légèrement inférieur aux deux autres, puisqu'il a représenté 24 % du total l'année dernière. Il s'agit cette fois d'applications où l'utilisateur final est le particulier. Ce sont des produits pour le mobilier, pour le yachting, où il y a de plus en plus de mobilier et de sellerie qui reste à l'extérieur, et pour la protection solaire résidentielle. Sur ce segment, nous travaillons notamment avec des sociétés régionales leader sur leurs marchés, comme Fermob ou Lafuma. Nous fournissons des matériaux souples qui sont insensibles aux UV, à la corrosion… c'est la particularité de nos matériaux, ils sont faits pour durer.

Pourriez-vous ouvrir d'autres marchés métiers dans les prochaines années ?

Nous pourrions le faire… mais ce n'est vraiment pas notre objectif. Je ne vous cache pas que la tentation est grande, mais je ne veux pas me disperser. En fait, nous essayons de rester focalisés sur nos marchés actuels, avec une quinzaine de niches. Pour l'heure, notre objectif est plutôt d'atteindre une taille globale et mondiale sur tous nos marchés. C'est d'ailleurs un challenge vital pour l'avenir de l'entreprise et il n'est pas simple à relever au quotidien. Dans l'industrie, il est quasiment indispensable de progresser en permanence pour rester dans la course. Et donc d'investir. Nous d'ailleurs avons un gros projet qui devrait aboutir cette année.

Un investissement important ?

Oui, nous allons investir environ 15 M€, entre le bâti et l'équipement industriel, pour agrandir notre site de production de La Tour du Pin et augmenter ses capacités de production. Cela représente un effort important, mais nous investissons environ 3 % de notre chiffre d'affaires, soit 5 à 6 M€ chaque année, pour maintenir nos équipements au Top, pour robotiser, moderniser au maximum... Nos effectifs augmenteront également sur le site, où nous employons actuellement 400 personnes, bien que nous ayons des métiers très automatisés. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous pouvons être compétitifs sans transférer notre outil de production à l'autre bout du monde.

Ce qui ne vous a pas empêché d'investir dans des unités de production en dehors de l'Hexagone ?

Nous avons fait ce choix, mais cela n'a rien à voir avec des délocalisations, puisque ces unités de production sont entrées dans notre périmètre à la suite d'opérations de croissance externe. Cela participe de notre stratégie de développement à l'international. Quand un marché se développe, nous avons l'obligation de le servir rapidement et pour cela il est important de disposer d'un outil de production à proximité. Un groupe comme Seb est un très bel exemple pour une entreprise comme la nôtre. Ses dirigeants ont réussi à concilier croissance locale et développement international.

Puisque vous évoquez la question de l'international, que représente les marchés exports dans l'activité globale de Serge Ferrari ?

Si l'on se concentre un instant uniquement sur les chiffres, l'export génère 75 % de nos 172 M€ de chiffre d'affaires. Mais cela ne permet pas de prendre l'exacte mesure de l'international dans la vie de l'entreprise. Entre les années quatre-vingt et les années 2000, nous sommes passés de 1 à 80 pays d'exportation. Cela a été une belle aventure et nous sommes réellement de ces entreprises qui ont surfé sur la mondialisation.

Quel a été votre premier pays d'exportation ?

L'Italie, pour des raisons évidentes de proximité. A contrario, le dernier est l'un des nombreux pays d'Asie dans lesquels nous sommes présents… la Malaisie sans doute. Mais l'international ce n'est pas que l'export chez nous. Au fil du temps nous sommes en effet devenus une entreprise franco-suisse. Et quand nous parlons d'export, nous n'intégrons pas les ventes que nous réalisons en Suisse.

Pourriez-vous justement revenir un instant sur votre implication dans ce pays ?

Comme je le disais il y a un instant, nous avons réalisé deux acquisitions successives à Lucerne et Zurich. En 2000, nous avons fait une intégration verticale en reprenant une usine du groupe Rhône-Poulenc basée à Lucerne. Elle nous fournissait une de nos matières premières et plus précisément des micro-câbles en PET. Un an plus tard, nous avons repris notre concurrent Suisse qui était implanté à Zurich. Au total nous employons 200 personnes dans ce pays.

Mais ce ne sont pas vos seules unités de production hors de France ?

Non, nous avons également une quatrième unité en Italie. C'est là encore le résultat d'une acquisition, que nous avons concrétisée l'année dernière. Nous avons repris une société spécialisée dans les produits composites pour le mobilier. Cela n'a rien d'une diversification, mais c'est plutôt une opération destinée à renforcer nos positions.

Et d'autres projets sont en réflexion pour prolonger cette démarche ?

Dans un premier temps, notre ambition est de devenir une entreprise plus globale, plus pérenne, dans ces trois pays européens. Mais nous avons pour vocation d'avoir un jour des usines sur d'autres continents, afin de pouvoir livrer nos clients au plus vite et de suivre plus rapidement la croissance des marchés locaux. Notre projet c'est de devenir un jour un acteur américain sur le marché américain, un acteur asiatique sur le marché asiatique... Pour l'heure nous n'avons pas de programme précis de développement industriel à l'international et je ne peux donc pas dire que nous serons physiquement présents aux États-Unis ou en Chine à telle échéance, mais c'est bel et bien le sens de l'histoire. Je vous rappelle quand même que les États-Unis représentent 17 % du PIB mondial, la Chine 20 %, alors que l'Europe pèse seulement 15 %.

Ces futures implantations passeront-elles également par des acquisitions ?

Oui car nous sommes trop petits pour faire du développement ex-nihilo. Pour une ETI comme la nôtre, la création d'une implantation industrielle à l'internationale passe automatiquement par une acquisition. Mais nous cherchons des acquisitions intelligentes sur lesquelles nous pourrons greffer nos technologies. Je ne vous cache pas que nous avons des dossiers sur la table, mais rien n'est tranché pour le moment.

Vous êtes désormais présents dans 80 pays à travers le monde ; vous reste-t-il de nouveaux territoires à conquérir ?

Il y a toujours de nouvelles terres de conquête sur la planète. Mais nous avons déjà des bureaux dans bon nombre de pays comme le Brésil, le Mexique, le Chili... De toute façon, le développement à l'international c'est toujours une démarche progressive.

Vous avez introduit une part de votre capital en bourse en 2014 ; était-ce dans le but d'accélérer ce mouvement ?

Il n'était pas question d'accélérer, car nous faisons les choses en fonction des opportunités qui se présentent. En revanche, l'introduction en bourse nous a en effet donné des moyens supplémentaires pour financer notre développement et notamment à l'international. Nous avons également profité de ce moment important dans la vie de l'entreprise pour revoir son organisation et pour intégrer de nouvelles forces vives. Ainsi, nous avons considérablement augmenté nos équipes commerciales, en passant de 100 à plus de 150 commerciaux. Nous en avons aussi profité pour faire entrer de nouvelles compétences en R&D.

Quelle place accordez-vous à la R&D ?

Nous avons une quarantaine de personnes en R&D, qui sont basées directement dans les usines, et nous faisons de la R&D à toutes les étapes de la chaine de valeur, en amont sur les matières premières, puis sur les process de production et enfin sur les produits. Mais la R&D chez Serge Ferrari c'est aussi de l'open innovation. Nous avons noué des partenariats, comme avec le CEA Tech à Grenoble, qui nous permet d'avoir accès à des briques de technologies que nous ne maitrisons pas en direct. Au total, nous investissons environ 3 % de notre chiffre d'affaires dans la R&D chaque année.

Vous venez de présenter une nouvelle architecture de marque ; quelles sont les raisons qui vous ont amené à faire ce choix ?

Nous faisons des produits techniques sur une quinzaine de marchés de niches et nous avons considéré qu'il était essentiel de simplifier notre pour faciliter le travail de nos prescripteurs. Qui sont-ils ? Ce sont soit des ingénieurs de grandes sociétés comme Vinci, Bouygues…, soit des installateurs qui achètent à un industriel, soit enfin des bureaux d'architecture. Pour toutes ces personnes très importantes dans la décision d'utilisation de nos produits et avec qui nous avons peu de contacts, il est important de simplifier au maximum nos marques et nos noms de produits.

Comment se dessine l'avenir de Serge Ferrari à terme de cinq ou six ans ?

Depuis que nous sommes côtés, nous ne donnons pas de « guidance », donc je ne peux pas vous donner de chiffre précis. Ceci étant dit, nous voulons devenir une ETI globale donc cela devrait nous porter à plus de 500 M€ de chiffre d'affaires. Cela n'a rien d'impossible, car notre marché adressable pèse 6 Md€ dans le monde. Nous avons d'ailleurs toutes les raisons d'être optimistes, car l'ensemble de nos grands marchés sont marqués par des taux de croissances supérieurs au taux de croissance mondiale. Il y a un besoin d'infrastructures énormes dans le monde et pour les marchés de niches il y a des opportunités fabuleuses à saisir. Comme nos matériaux composites sont souvent plus performants, plus résistants et plus légers que les matériaux classiques, ils ont vocation à prendre des parts de marché.

Sébastien Ferrari

SES DATES CLÉS

2000

L'entreprise réalise sa première croissance externe en Suisse

1992

Reprise de l'entreprise familiale avec son frère Romain. Il est aussitôt nommé président

1980

Après une prépa Math Sup / Math Spé, il rejoint l'entreprise à la demande de son père

1973

Année de création de l'entreprise familiale par Serge Ferrari, son père

1959

Naissance à Lyon

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