Ce fut l'un des grands succès du dernier festival d'Avignon avant de triompher cet automne à l'Odéon. Pourtant c'était une première pour Caroline Guiela Nguyen, est artiste associée à la Comédie de Valence (où a été créé le spectacle) et metteure en scène de cette compagnie créée en 2009 qui travaille « au plateau ».
En effet, les histoires que raconte Les hommes approximatifs tricotent le réel et la fiction, à partir de témoignages et de recherches fouillées. Ici, il s'agit de plonger dans les origines de la metteure en scène, le Vietnam, et dans les blessures du passé colonial dans un va-et-vient ente re 1956 et 1996 que seul permet le théâtre. Nous sommes dans un restaurant vietnamien à Paris, rue Saint-Antoine, plus vrai que nature, avec le papier peint vert amande, les lumières froides des néons, les chaises en aluminium et la musique sirupeuse, la mère d'Antoine fête l'autorisation du Vietnam au retour des Vietkeu (Vietnamien étranger) dans leur pays d'origine dans le restaurant tenu par Marie-Antoinette.
Puis nous voilà à Saïgon, dans un autre restaurant également tenu par Marie-Antoinette, en 1956, à la grande époque coloniale, où venaient les colons français et les Vietnamiens. La force du spectacle réside dans cet incessant passage entre les deux époques, et aussi, surtout par une distribution mixte, qui mêle les langues et les cultures, nourrissant le récit de départ, « un paysage sensible » à la base de l'écriture au plateau, avec l'ensemble des comédiens, de leurs propres histoires, de leurs imaginaires, de leur langue et de leur façon de parler la notre. On écoute alors « la musique des voix et des langues » comme l'écrit Fabienne Darge dans le quotidien du soir. On ne saurait mieux dire !
G.V.P.
Théâtre de la Croix-Rousse, 4 au 7 avril, www.croix-rousse.com