Mais pas pour le jeudi matin qui succède à la folie meurtrière initiée de Paris, le vendredi 13 novembre. Cette parabole de la renaissance, du retour à la vie rassérène des esprits, lourdement frappés.
La jeunesse a payé un lourd tribut aux attentats de la capitale. Parmi les 129 victimes des terroristes, de nombreux jeunes fauchés en plein vol aux terrasses des cafés, habituels lieux de vie, transformés en sépulcres à ciel ouvert. Une jeunesse foudroyée au cœur même d’une salle de spectacle, où a résonné, vendredi 13, un étrange vacarme. Caroline Prénat, tout juste 24 ans, est tombée sous les balles des tueurs au Bataclan. Fille d’une famille d’industriels connue dans le secteur de Givors, benjamine d’une fratrie de cinq enfants, cette Lyonnaise, pétillante, croqueuse de vie, graphiste et artiste, avait des rêves plein la tête. « Une fille belle comme un cœur », dira son père, Yves, étreint par la douleur.
Et partout, la même indignation. A l’étranger. En France, où un deuil national de trois jours a été décrété. En Rhône-Alpes, où les minutes de silence du lundi 16 novembre midi ont rendu hommage aux morts et aux blessés, illustrant, avec force et humilité, la volonté de chacun de s’ériger contre la barbarie. Les instants de recueillement et les prières de toutes les confessions, unies pour mettre en garde contre la tentation (grandissante) de l’amalgame, ont montré la résilience d’un peuple debout face au fondamentalisme islamique.
Rapidement, le président de la République a décidé l’état d’urgence, dont la prolongation pour trois mois a été votée par les députés. Ce régime d’exception, qui renforce les pouvoirs de l’exécutif à des fins sécuritaires, permet notamment d’assigner certaines personnes à résidence et de perquisitionner de jour comme de nuit aux domiciles de suspects. D’où la riposte célère des services de police qui ont procédé, dans des quartiers empoicrés de Lyon, Saint-Priest, Villeurbanne, Vénissieux, Feyzin, et dans les départements limitrophes du Rhône (Ain, Isère), à moult interpellations et saisie d’arsenaux militaires (lance-roquette, kalachnikovs, fusils à pompe, armes de poing, gilets pare-balles…). Rien d’étonnant lorsqu’on met en corrélation le nombre de signalements recensés par le Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation, soit pour le Rhône quelque 230 individus fichés ou suivis.
Les attentats ont impacté la vie économique et culturelle parisienne, mais aussi provinciale. A Lyon, les musées et salles de spectacle ont fermé leurs portes pour observer le deuil national. Même cas de figure pour les rencontres sportives, reportées. A Vénissieux, l’édile Michèle Picard a annulé, en accord avec l’inspecteur d’académie, la Foulée vénissiane des scolaires, en application scrupuleuse des directives nationales précisant que les « voyages ou sorties scolaires occasionnelles sont annulés » jusqu’au 22 novembre.
Les annulations noirciront plus tardivement encore le calendrier. La plus emblématique concerne la Fête des Lumières, rendez-vous extrêmement populaire (entre 3 et 4 millions de visiteurs chaque année sur quatre jours). Le préfet du Rhône, Michel Delpuech, y voit « une décision de sagesse (…) dans un contexte exceptionnel ». Et le sénateur-maire de Lyon, Gérard Collomb de renchérir : « Nous allons transformer la Fête des Lumières en un hommage aux victimes ». Environ 200 000 lumignons seront distribués dans les écoles ou vendus aux Lyonnais. La collecte sera ensuite reversée, entre autres, à l’association qui vient en aide aux victimes d’attentats. Allumer le 8 décembre un lumignon, véritable geste de résistance, pour entretenir la flamme du vivre ensemble.
L’actualité récente, qui a, après Charlie, replongé les Français dans un état cénesthésique et anxiogène, laissera des traces. Mais elle a aussi permis de vérifier que la mobilisation demeure énorme et que s’ancre partout la fierté d’être français. La France, pays de liberté, où souffle l’esprit des Lumières…
L.O.