Arrivé au poste de directeur régional des Finances publiques d'Auvergne-Rhône-Alpes en septembre 2022, Pascal Rothé, natif de Grenoble, apprécie pleinement les qualités et les enjeux de la deuxième région économique de France.
Un territoire qu'il a souhaité et obtenu après une carrière aux multiples facettes, de Bercy à Toulon en passant par la Guadeloupe... Pascal Rothé entend mettre l'accent sur la proximité et la qualité de service aux contribuables.
Pascal Rothé, vous avez pris votre poste en septembre 2022, quelle est votre impression générale sur la région ?
J'ai voulu venir ici, je suis heureux que mon choix ait pu être satisfait. C'est le terme d'une carrière. Hors Paris, il n'y a pas plus grosse région, son image et son dynamisme sont très attractifs. De plus j'ai le sentiment d'être arrivé à la tête d'une maison qui porte haut les valeurs de la DGFIP (direction générale des Finances publiques, Ndlr).
Vous avez occupé des postes très divers dans des contextes très différents ?
Oui, notamment cinq ans et demi en Guadeloupe, où l'on est en permanence ramené au rapport à l'esclavage. C'est très compliqué dans le pilotage des effectifs et la relation professionnelle, quand 85 % des personnels sont natifs de Guadeloupe. De plus, la période a été compliquée, avec deux cyclones, des tremblements de terre, et un contexte de vie chère.
Mon dernier poste a été marquant aussi pour une autre raison, le Covid, que j'ai connu dans le Var. Les services de l'Etat ont bien réagi. C'est le déclencheur et la mise en place définitive du télétravail. Avant le Covid, nous n'avions que quelques unités de télétravailleurs, depuis, on est entre 25 et 40 % chaque jour.
Les conséquences sont énormes, l'immobilier de l'Etat, la DIE, rattachée à la DGFIP doit changer radicalement sa stratégie d'acquisition-occupation de locaux. Globalement, on n'a plus besoin que de 70 % de l'espace en tenant compte des nouveaux usages.
Pour tous les services de l'Etat, on ne parle plus d'agents affectés, on parle de "résidents", ce sera le cas notamment à Lyon, avec la nouvelle cité administrative d'Etat en construction.
Cité administrative d'Etat à Lyon : la direction régionale des Finances publiques va déménager
Où est-on sur ce chantier ?
Dès 2024, le DRFIP (direction régionale des Finances publiques, Ndlr) doit occuper la première tranche, avec les collègues de l'Insee. La construction suit son cours normal contrairement à ce que l'on aurait pu craindre avec la crise d'approvisionnement des matériaux. A ce stade, il n'y a pas non plus de dérapage significatif des coûts. Il revient à la DRFIP de mener à bien les conditions du déménagement, les relations avec les organisations syndicales, les financements.
© Marine-Agathe Gonard - Le chantier de la nouvelle cité administrative d'Etat se poursuit dans les temps dans le quartier de la Part-Dieu.
Rhône : la coopération Etat-justice fonctionne au profit de la lutte contre la fraude fiscale
Quid du bâtiment de la rue de la Charité ?
Il demeure en l'état, la direction et le siège restent là. Les 800 agents de l'actuelle cité administrative d'Etat rue Garibaldi déménageront en 2024, dans le nouveau bâtiment qui jouxte le centre commercial de la Part-Dieu. L'actuelle cité sera détruite et reconstruite dans une deuxième phase. Ce futur site reconstruit accueillera d'autres services de l'Etat, actuellement fragmentés à Lyon.
Peut-on rappeler les principales missions de la DRFIP ?
Les deux principales sont des missions de gestion publique et des missions à caractère fiscal. Ensuite des missions à caractère transverse. Tout d'abord la comptabilité de l'Etat, je suis comptable public, exécution des dépenses de l'Etat, la paie des fonctionnaires, exécution des marchés publics etc.
Et, très important, la gestion des comptabilités de toutes les collectivités locales et établissements publics locaux, le monde hospitalier et médico-social public, et compétent en soutien économique. La fonction fiscale, les impôts, représentent environ la moitié des effectifs dédiés.
On calcule l'impôt, on le contrôle, et on le recouvre. Nous avons par ailleurs porté des dizaines de plaintes pour des fraudes avérées sur des aides indument perçues. Nous assurons les missions foncières, la tenue du cadastre, l'enregistrement et la publicité foncière.
Selon le principe de séparation comptable/ordonnateur, le directeur régional des Finances publiques n'est pas sous l'autorité du préfet de région, mais du directeur général des Finances publiques à Bercy.
Je n'ai pas autorité sur les directeurs départementaux des Finances publiques, mais je suis directeur pour le Rhône. Les fonctions dites régionales sont le contrôle comptable des services régionaux de l'Etat, tels le Crous, l'Ars, Ecole nationale de police etc.
Pascal Rothé : "Mes relations avec Bercy sont quotidiennes"
Quelles sont vos relations avec Bercy ?
Quotidiennes, je reçois mes instructions du directeur général à Bercy. Au terme d'une période d'observation, un "dialogue entrant" qui vient de s'achever, je dois exposer un "rapport d'étonnement", qui permet de définir une stratégie de quatre à cinq ans.
La colonne vertébrale en est l'encaissement des impôts sur la base de l'inversion du rapport de confiance, inspiré de la loi Essoc (2018, État au service d'une société de confiance, Ndlr) qui veut que le contribuable, surtout l'entreprise, soit considérée comme d'emblée de bonne foi, ce qui n'était pas le cas jadis, où une entreprise contrôlée était le plus souvent soupçonnée de fraudes. Le rapport de confiance tend à s'installer, mais il reste encore du chemin.
Et les collectivités dont vous tenez la comptabilité ?
Depuis début 2023, nous avons la mise en œuvre de la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics (RGP). Un gestionnaire public ne peut plus être condamné sur ses propres deniers (responsabilités personnelle et pécuniaire), exceptés les maires et les ministres.
© Marine-Agathe Gonard - La direction régionale des Finances publiques est en contact quotidien avec Bercy.
Les Finances publiques ont un indice de satisfaction en hausse, et un taux de litiges en baisse, à quoi peut-on l'attribuer ?
La mise en place du conciliateur fiscal a été très efficace. Les "rescrits fiscaux" permettent au contribuable et aux entreprises de se sécuriser sur la faisabilité d'un projet au regard de l'administration fiscale. Il y a eu aussi un énorme effort sur le site internet impôts.gouv.fr, avec plus de 90 % de satisfaction.
Le prélèvement à la source a-t-il renforcé la confiance ?
Cela fut une véritable révolution tranquille, tombée en pleine crise covid, qui a permis d'adapter l'impôt en temps réel avec la situation du contribuable.
Les Finances publiques bénéficient d'un outil de détection des signaux fiables pour les entreprises
Où est-on sur les aides aux entreprises sur l'énergie gaz-électricité ?
Il n'y a pas eu d'explosion des demandes, peut-être une légère augmentation récente sur début 2023. Le dispositif a été simplifié, et la communication renforcée. Il y a d'une part, pour les TPE, les dispositifs applicables auprès des fournisseurs d'énergie (bouclier, prix plafond, amortisseur) et une aide directe de l'Etat, sous condition pour les entreprises les plus "énergo-intensives" pour les aider à payer leurs factures d'énergie. Sur la région, 169 demandes ont été validées (au 14 février, Ndlr) pour 15,56 millions d'euros.
Et pour les particuliers avec le chèque de 100 euros pour ceux qui utilisent leur véhicule à des fins professionnelles ?
Dans la région, ce sont 550 000 demandes au 9 février qui sont parvenues aux services, soit 44 % seulement des foyers éligibles.
Comment voyez-vous la santé économique de la région ?
Les indicateurs économiques en notre possession, en particulier les données de chiffres d'affaires issues des déclarations de TVA, témoignent d'une activité dynamique en 2022, en hausse de 15 % dans le Rhône comme à l'échelle de la région. Cette situation bénéficie probablement encore d'un effet de reprise, mais il ne faut pas négliger l'impact de l'inflation, qui selon nos partenaires de la Banque de France, est évaluée à 5,9 % sur 2022 et pourrait s'élever à 6,9 % sur 2023. Par ailleurs, l'économie va devoir prendre en compte de plus en plus les effets du changement climatique, à commencer par le problème de l'eau, et d'autres comme les ZFE, etc.
Est-ce que les Finances publiques font du conseil aux entreprises ?
Ce n'est pas notre rôle de conseiller sur un investissement ou une stratégie. En revanche, nous avons un outil de détection de signaux faibles, via l'intelligence artificielle, qui permet d'identifier des entreprises, de les contacter dans le plus strict respect de la confidentialité, et de proposer, si nécessaire, d'entrer dans un dispositif de soutien.
Les dates clés de Pascal Rothé
1998-2002 : administration centrale à Bercy.
Février 2010 : nommé TPG (trésorier payeur général) à la Trésorerie des Hauts-de-Seine.
Mai 2012 : arrivée en Guadeloupe.
Sept 2022 : arrivée à Lyon.
"Chacun doit trouver son interlocuteur selon son statut", selon Pascal Rothé
Vous tenez les comptes des collectivités, vous jouez un rôle de conseil à l'investissement plus direct, quel est-il ?
On a un rôle important de conseil. La direction générale a voulu créer un réseau de proximité (NRP), décidé en 2019, dont la mise en place se poursuit et doit s'achever fin 2023 début 2024. Dans chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI), un cadre ou cadre supérieur des Finances publiques est affecté pour conseiller les élus et fonctionnaires, dans les métropoles, les agglomérations, les communautés de communes, etc. Ces fonctionnaires, le plus souvent sont déjà implanté sur les territoires ayant appartenu aux anciennes trésoreries. Ils apportent un conseil économique d'investissement, un conseil fiscal, domanial.
L'analyse des comptabilités 2022 des collectivités locales montrent qu'elles sont en bonne santé. A compter de 2023, elles vont malheureusement subir l'augmentation des coûts, des masses salariales (point d'indice). Le cadre des Finances publiques va pouvoir conseiller le décideur public en prospective en fonction de son analyse financière, s'il veut construire une piscine ou tout autre équipement.
En contrepartie des trésoreries qui ont fermé à destination de tous les publics, on a aussi développé le réseau des points France-Service. Il en existe 31 dans le Rhône.
Vous parlez d'une relation client avec le contribuable ?
Oui, lorsque vous êtes contribuable, vous avez envie d'être pris en compte par votre administration. J'ai décidé de réformer radicalement le siège et la direction régionale des Finances publiques (2 100 collaborateurs dont 550 cadres catégorie A, Ndlr). Depuis la fusion de 2008 (trésorerie générale et services fiscaux), rien n'avait bougé en trois pôles, gestion fiscale, gestion publique, fonctions transverses.
En terme opérationnel, cela ne fonctionne plus. Il faut une "approche clients" que sont les élus, les entreprises, les particuliers, une clientèle captive certes. On a des obligations, on doit les servir. Nous allons mettre en place deux pôles : un pôle régalien (services fiscaux, contrôles), et un pôle partenaires (particuliers, élus, entreprises). Chacun doit trouver l'interlocuteur correspondant à son statut que l'on soit particulier, chef d'entreprise, ou décideur public.
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Particuliers et entreprises peuvent s'adresser à la DRFIP en direct
Quid de l'unification du recouvrement des taxes par la DGFIP ?
Il s'agit de faire recouvrer progressivement le montant des recettes perçues par les douanes par la DGFIP, dont c'est le métier. La DGFIP est au cœur de l'appareil d'Etat, toutes les décisions politiques passent par la DGFIP pour leur mise en œuvre. Une piste explorée à long terme, consiste à envisager la fusion avec les Urssaf, mais les enjeux informatiques sont énormes.
Quels sont les enjeux pour les années à venir ?
Assurer les enjeux de recettes, 12 milliards d'euros pour le Rhône, et de dépenses, 6 milliards. Être toujours plus présent comme conseil auprès des décideurs publics. Être mieux connus des particuliers et des chefs d'entreprises et qu'ils sachent qu'ils peuvent s'adresser à nous de la façon la plus simple et la plus directe.
En coulisses
Pour les photos, nous sommes allés au septième étage de l'immeuble de la rue de la Charité, sur la terrasse de l'ancien appartement de fonction des directeurs : 200 m2 avec vue panoramique sur Lyon. Une époque révolue depuis plusieurs années, l'appartement est aujourd'hui salle de réunion et bureaux.