Olivier Arthaud, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes (CRCC) Lyon-Riom et Géraldine Peter, présidente du club des jeunes experts-comptables et commissaires aux comptes Rhône-Alpes, évoquent la diversité des modes d'exercices de leur profession.
Quel constat global faites-vous de votre métier ?
Olivier Arthaud : notre métier évolue forcément mais se caractérise surtout par la diversité des modes d'exercices. Nous portons souvent la casquette d'expert, mais c'est une appellation très réductrice, car un expert nage dans sa ligne d'eau, car très spécialiste dans son domaine.
Le métier d'expert-comptable et de commissaire aux comptes peut au contraire s'exercer de multiples manières. C'est ce qui fait notre richesse. Un jeune diplômé qui rejoint notre profession peut ainsi orienter sa carrière de manière optimale.
Géraldine Peter: le fait d'avoir déjà deux métiers au sein de notre profession est un élément de diversité, sans compter le nombre de spécialités que nous pouvons acquérir tout au long de notre carrière. Nous possédons une formation de base généraliste qui nous permet ensuite d'appréhender et de maîtriser plusieurs expertises tout au long de notre carrière.
De plus, les modes d'exercices sont nombreux. Une fois le diplôme obtenu, on peut décider de s'associer par exemple dans le cabinet qui nous a formés et dans lequel on a commencé en tant que salarié, comme c'est le cas pour moi ; ou alors on peut s'installer tout seul en création ex nihilo.
Que pourriez-vous conseiller aux jeunes diplômés pour construire justement leur plan de carrière ?
O. A : Il n'y a pas de passage obligé, il faut juste être en adéquation avec son ADN. Certains ne sont pas faits pour être chef d'entreprise, car cela occasionne du stress et de la prise de risque. Il faut par ailleurs être en capacité de travailler tout seul ou à l'inverse, avec des associés selon les modes d'exercices choisis. Une fois de plus, il faut bien se connaître, pour déterminer le plan de carrière qui correspond le mieux à sa personnalité. Sinon on se perd rapidement.
G. P : Notre diplôme est ainsi fait, que l'on peut déjà construire une expérience forte à travers trois ans de stages obligatoires. Il faut donc prendre le temps de se former, car c'est un métier où les chefs d'entreprise nous font confiance et il est nécessaire d'avoir rapidement un bagage solide.
Expert-comptable ou commissaire aux comptes : des choix de carrière multiples
De quelle manière la formation en expertise-comptable et commissariat aux comptes oriente-t-elle ou façonne-t-elle les étudiants dans leurs choix de carrière ?
O.A : Quelles que soient les écoles, je trouve que les enseignants sont trop éloignés de la réalité du terrain et ont une vision décalée de la qualité de management des différents cabinets. Par ailleurs, certains cabinets ont le défaut de décourager des vocations par un système trop rigide, hiérarchique et dépassé. La notoriété des clients audités n’a aucun rapport avec l’intérêt des travaux réalisés surtout les premières années. Auditer une PME est souvent beaucoup plus formateur que d’auditer le cycle immobilier d’un groupe du CAC 40.
Je trouve que dans des cabinets de moindre taille, les jeunes diplômés peuvent découvrir plus de facettes liées à nos métiers. Ils seront plus rapidement confrontés à la notion de conseil.
Il m'arrive aujourd'hui d'emmener mes collaborateurs, même débutants, à des rendez-vous clients pour qu'ils puissent appréhender la finalité de leur métier et comprendre un peu mieux pourquoi je peux être parfois pointilleuse sur des éléments de dossiers. Si la formation en grand cabinet permet d'acquérir beaucoup de technique et de résilience, elle ne permettra pas autant d'approche terrain que dans des structures de plus petite taille. On traîne encore trop l'étiquette de métier déshumanisé où l'on travaille 70 heures par semaine de manière acharnée. Le rythme est certes soutenu mais on arrive malgré tout à équilibrer son temps avec la vie de famille. Il y a beaucoup d'humain dans nos métiers.
Comment la CRCC Lyon-Riom peut-elle intervenir pour promouvoir cette richesse du métier ?
O.A : Nous avons ciblé une dizaine d'écoles dans lesquelles nous intervenons régulièrement. L'objectif est de casser justement les fausses idées qui peuvent être colportées sur ces métiers de l’audit, de la comptabilité et de la fiscalité. A nous de la faire évoluer, mais la tâche est ardue car il y a une grande méconnaissance de notre métier auprès du grand public. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec l’université Lyon 3 notamment pour justement mieux faire connaître nos métiers auprès des enseignants.
Nous avons aussi le défi de rééquilibrer le marché de l'emploi, dans lequel les grandes firmes recrutent en masse, notamment dans les universités où les cabinets plus petits recrutaient historiquement. Nous devons aussi travailler in fine sur notre marque employeur, en étant honnête sur l'image que l'on donne à nos métiers.
G.P : effectivement, il faut aller à la rencontre des étudiants, mais je pense que l'image de notre profession passe aussi par notre quotidien. C’est-à-dire que les collaborateurs de nos cabinets parlent de l'ambiance au travail, tout comme les clients. L'arrivée d'un commissaire aux comptes dans une entreprise donne parfois des sueurs froides. Nous ne sommes pas des contrôleurs fiscaux et ne donnons pas d'amendes. Nous devons démontrer aussi que notre métier a du sens. Il faut savoir que les entreprises ne nous sollicitent pas seulement pour leur comptabilité mais également pour leurs décisions stratégiques. Nous sommes au cœur de la vie des entreprises. Nous sommes une profession utile, au cœur de l’économie.
Olivier Arthaud : "nous possédons une formation d'excellence, qu'elle soit initiale ou en formation continue"
Le Label CAC que vous promouvez est-il un avantage pour la visibilité de votre métier ?
G. P: c'est une vraie démarche de qualité, empreinte certes de formalisme mais à travers ce formalisme, on analyse le risque et c'est ce qui nous permet d'apporter de la fiabilité aux comptes présentés. On ne vient pas vérifier le travail de l''expert-comptable, c'est une autre démarche.
O.A: nous n'avons pas le même donneur d'ordre. L'expert-comptable est au service de son client, tandis que le commissaire aux comptes est au service de l'intérêt général, c’est-à-dire des parties prenantes que sont le banquier, fournisseurs, salariés et aussi des actionnaires (majoritaires comme minoritaires).
Cybersécurité : les commissaires aux comptes et le Medef sur la même ligne de défense
Un mot sur la formation qui jalonne la carrière des commissaires aux comptes ?
O.A : nous possédons une formation d'excellence, qu'elle soit initiale ou en formation continue. Un jeune expert-comptable qui arrive sur le marché possède déjà un background technique de qualité. Nous avons aussi des obligations de formation qui nous poussent justement vers cette excellence tout au long de notre carrière.
G.P : les sources de formations sont en plus diverses. Les organismes de formations nous proposent déjà plusieurs formats, sur des journées complètes, ou en webinaires. Nous pouvons être formés aux techniques mais également au management, ainsi que sur des thématiques actuelles comme la RSE et les outils digitaux.