Assis, debout, couché, à quoi doit s'attendre le public de l'édition 2021 de Nuits sonores ?
"Après de nombreuses pérégrinations, le festival se tiendra bien debout et non pas assis et distancié comme c'était prévu au départ. Il s'agit d'un gros changement pour nous. Cela fait revenir tout ce qui est de l'ordre de la danse dans le festival – ce qui fait partie de notre Adn – mais aussi les DJ.
Il n'y avait pas de DJ dans la première mouture, là on a pu renforcer les line-up. Nous pouvons terminer un peu plus tard dans la soirée, à une heure du matin. On va lancer des soirées clubs en plus au Sucre, le lieu ayant pu rouvrir depuis le 9 juillet.
Mais un festival comme Nuits sonores ne s'organise pas en trois semaines. Et si nous avons réussi à nous adapter aux différentes annonces, encore faut-il disposer de tous les décrets, faire la lumière sur tous les détails…
Quant à la jauge, elle reste limitée mais a été étendue à 3000 pour les soirées à Fagor-Brandt, le lieu principal, avec une hypothèse de monter jusqu'à 4000. C'est la préfecture qui rendra sa décision (Ndlr : cette interview a été réalisée début juillet). Sur Heat, le second lieu principal en open air, la jauge est montée à 1200."
© Gaétan Clément / Heat, en extérieur, pourra accueillir jusqu'à 1200 personnes.
Cela vous a obligé à redéfinir l'ensemble du programme ?
"On garde tout de même l'esprit de cet hors-série, un peu plus intimiste que d'habitude. On n'a pas tout remis en question, mais modifié une première mouture dont il reste des éléments à l'image de la salle qui présentera des live audiovisuels sur le site de Fagor-Brandt en soirée. Beaucoup de choses peuvent se dérouler aussi bien assis que debout.
On retrouvera quand même en début de soirée une ambiance plutôt calme et posée. Et puis vers 21 h / 22 h, on va passer sur des choses dans un esprit électro plus dansant. Ce sera un festival en transition, avec les marqueurs de Nuits sonores mais aussi en germe des évolutions futures."
"Plus que jamais la culture doit être militante"
La crise sanitaire est aussi l'occasion de repenser Nuits Sonores pour l'avenir ?
"On réfléchit à la décroissance, à comment inscrire le festival dans une démarche d'événement raisonné. Le fait d'avoir de plus petites jauges, de la gratuité à certains endroits, offre l'opportunité de retrouver un vrai laboratoire artistique.
Cette année, 70 % de la programmation est locale, ce qui constitue une première. Il y a une volonté de retrouvailles entre le public et l'événement. On en profite pour faire découvrir toute la richesse d'une scène qui a beaucoup souffert pendant le confinement."
© DR / Pierre-Marie Oullion décrit "un festival en transition, avec les marqueurs de Nuits sonores mais aussi en germe des évolutions futures".
Pas question de revenir au "monde d'avant" pour Nuits sonores ?
"Si on n'imprime pas des choses fortes dès maintenant, on va reprendre la vie comme avant et ce serait plus que dommage. Nuits sonores est un festival engagé, défricheur, un peu "test maker", capable de donner des tendances.
Cet engagement est prolongé dans le débat d'idées, avec l'événement European Lab qui s'est déroulé en juin. L'association Arty Farty en est convaincue, plus que jamais la culture doit être militante."
"Beaucoup d'interrogations subsistent !"
Le public sera sans doute également plus régional, en tout cas plus francophone que d'habitude ?
"Bien entendu. La programmation est moins internationale, et les dates décalées en juillet nous laissent penser que le public sera essentiellement local, régional et national ou des pays limitrophes comme la Suisse."
Les innombrables contraintes laissent-elles encore la place à l'excitation au sein de l'équipe organisatrice ?
"Malgré les assouplissements, la grosse question est celle du pass sanitaire. Difficile de dire comment le public va réagir, sachant que les jeunes n'auront pas terminé leur cycle de vaccination… On vend beaucoup de billets, on aura du monde, mais il subsiste des interrogations autour des possibilités de tests, de la façon dont cela va se dérouler aux entrées…
Si au-delà du contrôle du pass sanitaire on doit proposer un service de testing, il y aura des coûts supplémentaires. Il existe beaucoup de défis, comme autour de la gestion du bar également.
En résumé, nous sommes à la fois très excités car on a envie de retrouver les sensations du festival, le public…. On a hâte, mais on a peur aussi !"
© Tony Noel / Testing, gestion du bar, de nombreux défis se posent aux organisateurs.
La parité derrière les platines
Au sein de la programmation pléthorique, quels artistes peut-on mettre particulièrement en avant ?
"C'est très dur car il y a plus de 100 noms. Mais on a forcément hâte de voir Sébastien Tellier jouer aux usines Fagor. Il y a aussi Lala &ce, une artiste lyonnaise qui cartonne beaucoup.
On a tout un programme en lien avec la saison Africa2020 avec l'Institut français. Je conseille notamment un groupe de Kinshasa au Congo qui s'appelle Fulu Miziki. Ils fabriquent leurs instruments à l'aide d'objets de récupération. Il y aura notamment un atelier de ce type en partenariat avec le Secours populaire, ouvert à des étudiants en précarité.
Il y a évidemment Laurent Garnier, parrain du festival, mais aussi des artistes français incontournables de la scène techno comme Bambounou ou Anetha. Nous avons une programmation quasi paritaire cette année, ce qui est aussi une nouveauté."
© Nuits sonores / A l'image de l'artiste lyonnaise Lala &ce, la programmation 2021 ouvre la voie à la parité.
C'est une volonté affichée de votre part ?
"C'est plus qu'une volonté puisque c'est quelque chose que l'on a rendu possible grâce au confinement. Nous avons formé des Djettes, avec 45 élèves accueillis au Sucre pendant un an et qu'on retrouvera pendant le festival notamment sur les scènes des open air.
Cela nous permet d'avoir une diversité de profils dans la musique, dans les esthétiques. Cette parité est possible, plus qu'avant. Cela fait partie de tous les changements que l'on a envie d'entrainer."
Dans un monde à la recherche de sens, le public devrait adhérer au message…
"Une partie de notre public respecte l'événement pour le sens que l'on y met. Nous ne sommes pas une machine industrielle.
Tout cela est aussi une question de longévité. Ça fait presque 20 ans, mais il existe encore de nombreux sujets à aborder. On a une équipe jeune, engagée, qui a encore envie d'innover pour le futur !"
© Marion Bornaz