Marie-Josèphe Laurent, qu’est-ce qui a présidé à votre candidature ?
Ma motivation est née il y a plus de 20 ans, lorsque j’ai débuté mon engagement ordinal en devenant d’abord membre du conseil de l’Ordre, puis désignée trésorière par le bâtonnier Boyer. Je me suis particulièrement investie dans les finances de l’ordre à l’occasion du départ brutal du secrétaire général de l’époque. J’ai ensuite été membre de la commission financière pendant de nombreuses années.
Lyon : le groupe Implid poursuit sa diversification et renforce son offre juridique
Au niveau national, j’ai été membre du Conseil National des Barreaux au sein de la commission formation, qui, à cette époque, avait instauré la formation continue obligatoire pour les avocats. À la fin de ce mandat national en 2002, j’ai repris pleinement mon activité au sein du cabinet Légi Consultants dont j’étais associée. Dès cette époque, certains de mes confrères m’exhortaient à devenir la première bâtonnière du barreau de Lyon.
Je ne peux pas dire que j’attendais mon heure, mais j’ai toujours gardé cette envie en moi. Comme je l’ai indiqué pendant ma campagne, aux côtés de Jean-François Barre (vice bâtonnier élu, Ndlr), mon barreau me concerne et m’importe. Je veux aujourd’hui me mettre à son service.
Un mot sur le binôme que vous formez, justement, avec Jean-François Barre ?
Notre association s’est faite de manière naturelle. Elle s’est même imposée, parce que la matière pénale est un domaine très important pour la profession et notre barreau. C’était donc une évidence que le droit pénal soit bien représenté, notamment avec la présence à mes côtés d’un pénaliste de renom et apprécié.
"Le droit pénal est partout. Il ne se limite pas aux crimes de sang ou aux violences"
Pourquoi viser spécifiquement l’excellence pénale du barreau ?
Le droit pénal est partout. Il ne se limite pas aux crimes de sang ou aux violences. Si on prend toutes les branches du droit, et notamment celle de l’entreprise, on se rend compte que les dispositions pénales sont légion y compris dans la compliance.
Ce que nous souhaitons donc proposer, c’est de déployer un barreau pénal, avec à la fois des avocats pénalistes en droit pénal général, mais aussi développer un haut niveau de compétence en droit pénal économique et social. Les entreprises d’Auvergne-Rhône-Alpes doivent trouver, ici, les avocats dont elles ont besoin pour faire face à la législation pénale dans tous les domaines qui les concernent.
© Marine-Agathe Gonard
Ses dates clés
- 1992 Avocate associée, Légi Consultants
- 2005 Avocate associée, Brumm & Associés
- 2017 Avocate associée, Implid Legal
- 2022 Bâtonnière du barreau de Lyon
Le sujet de la compliance vous anime particulièrement, pourquoi ?
À l’instar de la lutte contre le blanchiment d’argent, nous ne nous sommes pas emparés tout de suite de ce domaine du droit. Il y a pourtant matière autour de ces enjeux de conformité pour les avocats.
Si les grands cabinets ont les ressources nécessaires pour appréhender la compliance, il faut que les structures plus petites s’emparent de cette matière. La compliance touche tous les domaines du droit de l’entreprise, tant sur les aspects de la prévention que sur les dispositions et sanctions pénales. Cela va dans le sens du déploiement pénal que je souhaite stimuler.
"Nous devons apprendre à évoluer dans ce marché en pleine transformation digitale"
Quels sont les autres grands axes de votre mandat ?
Je souhaite développer les formations spécifiques que je nomme d’ « accompagnement ». Le bâtonnier n’a pas à s’occuper de la formation technique de ses confrères. En revanche, dans le cadre de la transformation de notre profession, je crois que nous avons besoin de formation en management et d’enseigner les compétences douces. Certains avocats me confient leurs difficultés dans leurs relations avec les clients, leurs confrères ou les magistrats.
L’autre grand axe tourne autour du développement de l’entreprise, car, qu’elle que soit la taille des cabinets, nous sommes des entrepreneurs. C’est une réalité et nous sommes confrontés au développement du marché du droit très concurrentiel, bien que nous gardions des domaines spécifiques d’intervention qui nous sont réservés.
Nous devons apprendre à évoluer dans ce marché en pleine transformation digitale. Nous nous inscrivons par-là dans la continuité de ce que nos prédécesseurs, Maîtres Serge Deygas et Joëlle Forest-Chalvin, ont conduit ces deux dernières années.
L’accès au droit pour tous reste un leitmotiv pour le barreau de Lyon, à travers les bâtonnats qui se succèdent. Est-ce aussi le vôtre ?
La défense de l’accès au droit est fondamentale. Le barreau consacre beaucoup d’énergie et de moyens à l’organisation de l’accès au droit. Nous sommes d’ailleurs liés par une convention ancienne avec la Chancellerie, qui, au regard de la qualité de la défense que nous fournissons au justiciable, nous dote au niveau de l’aide juridictionnelle pour nous permettre de maintenir cet accès au droit pour tous. Les consultations gratuites, les permanences avec un ou plusieurs avocats à toutes les audiences ou le bus du droit qui va à la rencontre des plus démunis sont des exemples parmi d’autres de notre engagement au quotidien. Nous restons très vigilants sur ces sujets.
© Marine-Agathe Gonard
Interprofession, secret professionnel et consumérisation
Quid de l’interprofession ?
J’incarne la pluridisciplinarité à travers ma propre activité au sein d’Implid. Je suis donc convaincue de la pertinence de la démarche. Pour autant, l’interprofessionnalité se développera progressivement sous des formes diverses, par des rapprochements ou simplement par des collaborations entre professions du droit et du chiffre. Nos clientes entreprises, mais également nos concitoyens, vont apprécier à terme le fait de trouver des équipes qui travaillent de manière transversale pour répondre à leurs enjeux et besoins.
Quels sont les impacts directs de la remise en question du secret professionnel au travers des nouvelles dispositions légales ?
Les plus alarmistes jugent que l’activité de conseil profitera à des barreaux extra-nationaux et que nous perdrons de fait de l’activité. Le pire n’est jamais sûr… Mais il n’en demeure pas moins qu’il s’est insinué une rupture entre la défense et le conseil. C’est inquiétant, car on instaure à nouveau une dichotomie dans la profession d’avocat que nous avions mis 30 ans à pourtant fusionner. On entend encore trop dire que le secret professionnel rime avec complicité. Ce n’est pas une réalité, c’est un faux procès. Le secret professionnel, c’est celui de nos clients et pas celui des avocats.
Quel est votre avis sur la forte tendance à la consumérisation du droit ?
Les chiffres d’affaires, et plus globalement le développement du marché depuis 20 ans, montrent un besoin de consommation du droit qui est exponentiel. Et celui du marché du droit n’est plus de fait, réservé aux seuls avocats : d’autres acteurs économiques s’y intéressent. Les clients sont de plus en plus informés et ont accès à un certain savoir via internet. Pour les conseils et actes simples, ils ne veulent plus payer, ou très peu. Aussi, nous sommes donc obligés de nous adapter à cette évolution pour répondre à une demande à forte valeur ajoutée, d’où la recherche de l’excellence que je prône.
Face au comportement consommateur des clients, il est nécessaire de se mettre à niveau de leurs exigences, comme, par exemple, l’accès à leur dossier de manière dématérialisée ou la correspondance, directe, par mail. Nous sommes dans une démarche d’accompagnement de conseil et de défense tandis que les clients sont de plus en plus dans une demande de prestation de services.
Nous devons rester vigilants sur la déontologie, face à des demandes « de faire vite et pas cher ». Notre déontologie, ce n’est pas un vieux livre poussiéreux, c’est un corpus de règles vivant qui doit protéger les clients et les avocats contre certaines tentations.
Nous allons d’ailleurs proposer les Vendredis de la déontologie (une fois par mois) qui rassemblera des confrères de différentes générations pour un partage d’expérience et une réflexion sur des sujets de déontologie."
Entre nous...
© Marine-Agathe Gonard
- Son style de management... Je ne favorise aucun rapport de rivalité, je manage de manière horizontale.
- Ses lectures... Des écrits sur les formations en droit et les relations humaines.
- Ses inspirations... Michel Serres qui prônait l’optimisme de combat qui marquera mon bâtonnat.
- Son lieu ressource... L’image mentale d’un cloître près de Florence, où je m’allonge dans la pelouse. Je me le représente lorsque j’ai besoin de me ressourcer.