Serein devant une tasse de café filtre éthiopien, Guillaume Langloy savoure un début d’année 2023 qui sourit à Loutsa. Le torréfacteur lyonnais vient de boucler une levée de fonds de 2,5 millions d’euros afin de continuer à développer son réseau de boutiques en France. "On ouvre la dixième boutique le mois prochain à Paris", délivre celui qui a co-fondé l’entreprise (46 salariés) fin 2018 avec sa femme Caroline.
Cinq points de vente à Lyon, bientôt cinq à Paris, et six ouvertures supplémentaires prévues en 2023. Avec l’ambition affichée d’atteindre les 25 magasins fin 2024, en ciblant de nouvelles villes. S’il reste discret sur le chiffre d’affaires actuel, le dirigeant vise la barre des 10 millions d’euros en 2024, activité tirée par les ventes au détail mais aussi le B2B.
Loutsa en quête de lieux stratégiques pour ses boutiques
Se présentant comme "artisan torréfacteur de quartier", Loutsa (du nom d'une plage en Grèce pour la petite histoire) cherche à s’implanter dans des lieux où les métiers de bouche sont déjà fortement présents, à l’instar de la boutique ouverte récemment avenue de Frères Lumière dans le quartier de Monplaisir (Lyon 8e), où les cafés colombiens, costaricains ou indonésiens - uniquement bio - s'alignent sur les étagères.
"La question de l’immobilier est un vrai challenge pour une entreprise encore jeune comme la nôtre", reconnait Guillaume Langloy, qui ne ferme en conséquence pas la porte aux opportunités, comme lorsque le groupe Unibail-Rodamco-Westfield est venu lui proposer de s’installer dans l’extension du centre commercial de La Part-Dieu l’année dernière. "On a commencé par dire non, puis quand on a vu l’emplacement incroyable qu’ils nous proposaient, on a changé d’avis", avoue l’entrepreneur.
© Loutsa / L'emplacement, un facteur stratégique mais très concurrentiel.
Guillaume Langloy, de Nestlé à Loutsa une autre vision du café
Leur voisin à la Part-Dieu, un géant nommé… Nespresso. Et tout sauf un inconnu pour Guillaume Langloy. "Je suis ingénieur et j’ai travaillé dans le café pendant 15 ans chez Nestlé, tout simplement la plus grosse entreprise mondiale du secteur. J'ai oeuvré dans des usines en Suisse, en Grèce, ou aux Etats-Unis...", précise-t-il.
Avant, la quarantaine arrivant, d'opérer un virage à 180 degrés pour se lancer dans l'univers plus confidentiel des cafés de spécialité. "J'avais envie de contribuer à transformer l'expérience café, à faire découvrir des terroirs, des arômes exceptionnels", argumente l'entrepreneur, dont la maitrise de l'écosystème économique de ce produit au cours mondial fluctuant constitue aujourd'hui un apport précieux pour le développement de Loutsa.
Loutsa s'imagine en pionnière de l'après-capsule
L'entreprise lyonnaise se pose d'ailleurs en pionnière pour imaginer les modes de consommation de demain. "On se positionne sur l'après-capsule, même si on en distribue aussi de notre côté. On veut montrer aux gens ce que sont les cafés de spécialité et ce qu'ils gagneraient à passer à une machine à grains, comme une sorte de période de transition", explique le dirigeant de Loutsa.
"On peut passer de la capsule au café en grain de qualité sans augmenter son budget, voire en faisant quelques économies si on compare les prix au kilo. Le café de spécialité peut tout à fait être le café du quotidien", assure Guillaume Langloy, qui réfléchit à exporter le modèle Loutsa au-delà des frontières.
"Il y a beaucoup de discussions en cours à ce sujet. Même si le marché français est énorme, on sortira de l'Hexagone très bientôt", assure l'entrepreneur lyonnais.
Le café de spécialité, c’est quoi ?
Né dans les années 1970 aux Etats-Unis, le terme de café de spécialité désigne le haut de gamme de la production, issue des meilleurs terroirs et de fermes à taille humaine. A titre d’exemple, Loutsa n’achète pas de café cultivé à moins de 1200 m d’altitude, dont les grains sont d'ailleurs récoltés à la main.
"Le café de commodité représente 95 % du marché mondial, le café de spécialité 5 % au maximum. Il s’agit de cafés sans défaut, qui disposent d’un potentiel aromatique au-dessus de la norme. C’est un peu comme dans l’univers du vin", résume Guillaume Langloy. Ces cafés de spécialité sont légalement certifiés par des experts, selon des standards internationaux définis par la SCA, la Specialty coffee association.
© Loutsa / L'entreprise lyonnaise n'achète pas de café cultivé à moins de 1200 m d'altitude. Une affaire de qualité.
Fermentation et torréfaction, deux étapes clés
Mais au-delà du mode de culture, les processus de fermentation et de torréfaction jouent un rôle primordial pour développer la palette presque infinie des arômes du café. Contrôle des températures, de l’oxygénation, le savoir-faire se développe à nouveau grâce à des passionnés.
"Pendant longtemps, on a brûlé le café pour générer de l’amertume, cacher les défauts et harmoniser les goûts. On défend un autre modèle chez Loutsa. On peut aller très loin en matière de torréfaction, c’est hyper technique. Il s’agit d’une expertise incroyable", s’enthousiasme l’entrepreneur lyonnais, qui croit en l’avenir de ces cafés haut de gamme.
"Même si la France n’est pas le pays le plus avancé, le marché explose. Les gens ont envie de découvrir autre chose à travers le café", veut croire Guillaume Langloy.
