C'est cette Jeanne-là qui a inspiré le cinéaste Dreyer pour son inoubliable La Passion de Jeanne d'Arc. La Jeanne de Delteil, poète oublié et un peu maudit que ressuscite régulièrement Christian Schiaretti, le directeur du TNP.
Et c'est Juliette Rizoud qui s'empare du rôle que le metteur en scène lui a confié depuis 2010. La Jeanne de Delteil avait fait scandale à l'époque de sa parution, en 1925, 5 ans après la canonisation de la pucelle d'Orléans, tout en remportant le prix Femina.
Parce qu'elle allait à l'encontre des images d'Épinal qu'on se faisait de Jeanne, et qu'elle incarnait furieusement une liberté et une sensualité incommode. Une liberté et une sensualité que déploie à foison la comédienne et metteure en scène Juliette Rizoud.
Pendant une heure quarante, elle tient le public en haleine sur un plateau nu de théâtre qui laisse voir ses coulisses et ses artifices découverts. D'un bidon de produit détergent, elle fait le poupon de Jeanne, l'enveloppant délicatement dans une serpillière, d'un tabouret de bar renversé elle représente Charles VII qu'elle fait couronner à Reims.
Des pieds de projecteurs prennent vie pour incarner la cour, une table suffit à faire un cheval qu'elle enfourche comme un vrai. Confiante dans la puissance de la langue, elle devient tour à tour tous les personnages.
Le spectacle commence dans un registre burlesque un peu forcé avant de se glisser vers la tragédie connue de tous et toutes que Juliette Rizoud, sans micro (et c'est suffisamment appréciable pour être relevé) fait revivre sous nos yeux, avec une intensité remarquable. Une sacrée performance pour cette comédienne qui habite la Jeanne de Joseph Delteil.
TNP, petit Théâtre, jusqu'au 19 mai, puis du 4 au 10 juin, www.tnp-villeurbanne.com