Al Atlal est un poème de Ibrahim Nagi, considéré par les spécialistes comme l'un des 20 plus beaux poèmes de langue arabe. Al Atlal est également une fameuse adaptation musicale du texte par l'« astre d'orient », la chanteuse Oum Kalsoum. Al Atlal c'est enfin le titre du projet qu'a porté Norah Krief cette année, une création de la Comédie de Valence au festival Passages à Metz au printemps dernier qui fait étape dans le petit théâtre du TNP avant d'entamer une tournée française et internationale.
Un spectacle entre récital et théâtre, où la comédienne tient le plateau avec presque rien. Rien d'autre qu'une présence folle et trois fidèles musiciens qui l'assistent. Tandis que l'oudiste égrène quelques notes de musique, on entend le claquement léger des talons aiguille de la comédienne qui s'installe dans une pénombre orangée. Elle empoigne littéralement le micro avec pourtant une grâce toute légère et s'adresse à sa mère.
Elle évoque l'odeur des grains de café lentement réduits en poudre, ce geste de « concasser au mortier ton café, le moudre fin comme de la farine tu me disais, le mettre dans ta zazoua sur le feu doux du kanoun, ajouter une goutte d'eau de fleur d'oranger » avant de se laisser envahir par une mélodie lointaine, ce poème des « vestiges d'un amour et le rêve d'un paradis perdu » aux accents à la fois mélancoliques et sensuels.
Norah Krief l'habite d'une fragilité toujours à la limite de la rupture, « ce quart de ton si difficile » dont elle s'amuse elle-même avec le public. Portée par une scénographie minimale composée d'un rideau de franges, de boules à facettes et de lumières savamment composées de Jean-Jacques Baudouin, elle donne vie à la poésie de Nagi en évoquant délicatement celle qu'on qualifie de plus grande chanteuse arabe de tous les temps, lui rendant hommage par un engagement sans faille, muscles tendu et, chair palpitante sous la peau des bras nus.
Salle Jean Bouise, TNP, jusqu'au 23 décembre, www.tnp-villeurbanne.com