"Plan de relance", "mesures inédites", "soutien aux entreprises" et surtout, cette somme colossale de 100 milliards d'euros. Autant de termes et d'arguments lancés par le gouvernement et relayés de toutes parts depuis le 3 septembre. Qu'en est-il depuis ? Les financements arrivent-ils réellement ? Les entreprises industrielles sauront-elles saisir l'opportunité d'une telle manne financière ? Premier tour d'horizon en Auvergne-Rhone-Alpes.
Sommaire
1. Penser à l'après Covid
2. Safe Orthopaedic rayonne grâce à son site lyonnais
3. Béal vise la balistique et regroupe ses sites
4. Guyonnet automatise les déchèteries professionnelles
5. L'industrie dans le viseur de bpifrance
Penser à l'après Covid
Dix mois après le premier confinement qui a brutalement stoppé 50 % de l'activité française, et après la mise en place des mesures urgentes qu'ont été les PGE ou les dispositifs de chômage partiel, il est temps de penser à l'après. Les premières mesures de soutien à l'investissement arrivent.
L'objectif – clairement énoncé par Bruno Le Maire – n'est autre que la création d'emplois, la pérennité des entreprises, et la souveraineté industrielle. "C'est un plan pour tous les Français, qui doit préparer la France de 2030. Avec des objectifs sains et clairs : relocaliser nos activités industrielles, décarboner notre économie, et créer des emplois", explique le ministre de l'Économie sur une vidéo postée sur les réseaux sociaux.
Nommé "France Relance", cette troisième phase du plan de soutien du gouvernement doit permettre à l'économie française de retrouver sous deux ans, ses niveaux d'avant crise.
La rapidité, règle absolue
"La règle absolue que nous nous sommes fixée avec le président de la République et le Premier ministre pour la mise en oeuvre de ce plan, c'est la rapidité. Il faut que les crédits soient dépensés rapidement, pour que les Français puissent voir partout sur leurs territoires l'effet du plan de relance et les changements dans leur vie quotidienne".
Force est de constater que les financements commencent bel et bien à arriver. Sur le volet industriel, l'État abonde dans les projets de modernisation des entreprises. Le plan de relance consacre 1 Md€ à la relocalisation industrielle : 600 M€ pour soutenir l'investissement dans cinq secteurs stratégiques et 400 M€ pour favoriser le développement de projets industriels dans les territoires. S'ajoutent 1,2 Md€ pour la décarbonation de l'industrie.
Accompagnement des instances économiques
Localement, au coeur du réacteur, et pour ce qui concerne le volet régional du plan de relance, la préfecture de région Auvergne- Rhône-Alpes est garante du bon fonctionnement de ce dispositif d'aides.
C'est précisément le Secrétariat général pour les affaires régionales (Sgar), qui pilote les services de l'État dont la Direccte qui est à l'interface entre l'État et les entreprises dans la gestion des dossiers de financements.
"Notre rôle est de promouvoir ces aides auprès du maximum d'entreprise en nous appuyant sur la force de frappe des filières, des pôles de compétitivité, des syndicats patronaux et des chambres consulaires ainsi que de la région elle-même pour toucher les porteurs de projets", explique Jean Langlois Meurinne, responsable entreprise auprès du Sgar à Lyon.
© Pxhere / photo d'illustration
Pas facile de faire des choix...
Une fois les projets identifiés par son réseau de "partenaires", la Direccte analyse la pertinence de chaque candidature (entre 2 et 4 h d'étude par dossier) avant une instruction financière faite par bpifrance et in fine, une validation finale effectuée par les services de l'État, puis le ministère de l'Industrie.
"Sur plus de 3 500 dossiers déposés au niveau national fin décembre, 15 % sont issus d'Auvergne- Rhône-Alpes", Jean Langlois- Meurinne
Celui-ci avoue une difficulté dans les choix à faire entre certains dossiers. "Nous étudions de beaux projets. La région Auvergne- Rhône-Alpes est dynamique par la diversité de son tissu industriel. Cette période de crise est l'occasion pour notre industrie de faire la différence par rapport aux pays voisins, via ces investissements dans la compétitivité de nos entreprises. C'est un vrai challenge qu'il faut relever".
À ce jour, 24 projets ont été retenus pour un soutien actuel de 14 M€ et un volume prévisionnel d'investissement global de 44 M€. Ces 24 projets devraient aussi entraîner la création de 433 emplois directs. Selon Sylvie Reveyrand, secrétaire générale de la délégation stéphanoise de la CCI, la méthode est là.
"L'identification du bon dispositif et la mise en forme du dossier n'est pas facile"
Après une vague de phoning effectuée auprès de 800 chefs d'entreprises par les conseillers de la chambre consulaire, 120 dirigeants ont été identifiés comme pouvant être intéressés par une demande d'aides, sans qu'ils sachent forcément comment s'y prendre pour en bénéficier. Philippe De Oliveira, directeur de Perspectives Conseil au sein de l'UIMM Loire le reconnaît : "Si le dispositif est compris, l'appropriation de l'information, l'identification du bon dispositif et la mise en forme du dossier n'est pas facile".
En cela les acteurs locaux, que sont par exemple l'UIMM, le Cetim, ou la CCI réunis au sein d'un comité de pilotage, permettent d'apporter une vision globale sur l'ensemble des dispositifs et une hauteur de vue pour cibler plus rapidement le bon guichet.
Face à ce plan d'ampleur qui ne présente pas moins de 48 mesures, s'adjoindre les conseils d'experts "c'est se donner les moyens de réussir et d'éviter une perte de temps", relève le professionnel. Par exemple, le réseau Rédéco 42, une structure socio-économique portée par la préfecture de la Loire, suit périodiquement les entreprises ayant déposé des dossiers, de manière aussi à identifier les leviers utiles à l'obtention d'un accord positif.
L'exemple de Chapel
© Caroline Thermoz-Liaudy / Le nouveau site Chapel sera construit a proximité du siège et de l'unité de production d'Apprieu.
Directeur général de l'entreprise iséroise Chapel, spécialisée dans les vérins télescopiques hydrauliques, Philippe Valfort confirme avoir été incité par les institutions à candidater aux appels à projets France Relance.
"C'est notre communauté de communes, Bièvre-Est, qui nous a informé des possibilités d'aide à l'investissement proposées par le dispositif France Relance. Elle a été moteur, et nous a aidé à monter le dossier. Il faut dire que ce n'est pas dans nos habitudes : en plus de 50 ans d'existence, c'est la première fois que nous montons un dossier pour une subvention. Mais entre la Covid-19, et le fait que ce soit un gros projet de modernisation, qui inclut une grande partie de 4.0, cette subvention était la bienvenue et nous a permis d'aller plus loin".
Le directeur général de cette société industrielle, reconnait la mobilisation des instances économiques pour le bon fonctionnement et la bonne communication autour du dispositif de soutien. "Bpifrance a aussi beaucoup travaillé pour notre dossier. Ils m'ont d'abord reçu pour que je leur explique mon projet, puis ils l'ont défendu de sorte qu'il a été présenté avec un avis très favorable". Chapel (45 M€ de CA en 2019) emploie aujourd'hui 350 personnes réparties sur sept sites de production, dont cinq en France et deux en Allemagne.
Avec cet investissement, en projet depuis près d'un an et qui doit sortir de terre d'ici la fin de l'année, de nouveaux recrutements sont prévus en Isère. "On ne sait pas encore combien de personnes seront recrutées car cela sera fait de façon progressive, en fonction de l'évolution de notre organisation. Mais on envisage une trentaine de recrutements", explique-t-il avant d'afficher avec le sourire son ambition:
"Il nous reste 30 % du marché européen à conquérir, alors les recrutements dépendront de la vitesse à laquelle on le prend", conclut le dirigeant.
Fonds d'accélération des investissements industriels
Si, selon les chiffres nationaux, 70 % des sites industriels sont situés hors des grandes agglomérations, 71 % des investissements directs étrangers dans le domaine industriel ont profité à des communes de moins de 20 000 habitants.
Le rebond apparaît ainsi plus que nécessaire à la sauvegarde des emplois dans tous les territoires, d'où le lancement d'un fonds d'accélération des investissements industriels qui complète les aides sectorielles mises en place par l'État.
Il s'inscrit dans le programme Territoire d'industrie, lancé en novembre 2018. A l'image des Tissages de Charlieu, situé dans cette commune ligérienne de moins de 4 000 habitants, qui compte parmi les lauréats régionaux.
Possible de produire en France des textiles accessibles
© DR / Les Tissages de Charlieu ont en projet la relocalisation de l'activité.
Les dirigeants ont toujours été soucieux de prouver qu'il est possible de produire en France des textiles accessibles, créatifs, recyclés, décarbonés tout en en créant des emplois. Leur projet : relocaliser à Charlieu la fabrication de 12 millions de sacs (cabas ou tote bag), créer 46 nouveaux emplois et baisser de 48 000 tonnes d'équivalent CO2 leur empreinte carbone tout en étant aussi compétitif que l'Asie.
Pour cela, l'entreprise compte acheter quatre robots spécifiques, créer une plateforme de R&D et couvrir ses toits en cellules photovoltaïques. Investissement global prévu : 7,9 M€ d'ici fin 2022. Citons encore Bignon Darvaux, à Belmont-de-la-Loire, qui va agrandir (investissement global de 530 000 € d'ici fin 2022) son atelier de confection de broderie et linge de maison haut-de-gamme, afin d'augmenter ses capacités de production, et de proposer un label "Entreprise du patrimoine vivant" pour de la vente en ligne.
Dans le Rhône, chez LCI Medical, le site d'usinage sera transformé en site de production intégré, permettant aussi l'impression additive métallique, les finitions et le packaging stérile en salle blanche (1,5 M€ d'investissement). Autant de projets qui étaient déjà dans les esprits des industriels, mais qui se voient offrir de nouveaux financements pour accélérer encore, ou pour aller un peu plus loin.
De nouveaux appels à projets
Des exemples qui concrétisent des annonces estivales aux montants astronomiques qui les rendaient finalement assez peu palpables.
Sur les 2,6 Md€ consacrés au soutien des industries automobiles et aéronautiques, plusieurs entreprises iséroises sont lauréates : ECM Technologies à Grenoble, Portal à Pontde- Claix, FSP-One à Pont de Cheruy, et plus récemment, Radiall, à Voreppe, qui a annoncé être lauréate d'une subvention pour la filière aéronautique.
Ce plan doit en outre permettre à la France d'assurer son indépendance économique et technologique, la crise sanitaire ayant mis en avant des difficultés d'approvisionnement dans certains secteurs.
Ainsi, sur les 400 M€ dédiés à l'accélération de projets d'investissements, 150 M€ ont été dédiés à cette démarche. France relance mobilise aussi 1,2 Md€ pour aider les entreprises industrielles à investir dans des équipements moins émetteurs de CO2. D'autres aspects du plan prévoient, par exemple, un soutien aux industries des secteurs aéronautique et automobiles (2,6 Md€), ou encore au développement des énergies et technologies vertes, via l'hydrogène (2 Md€).
Le volet national de France Relance sur le soutien aux industries stratégiques ouvre encore trois dates de relève des dossiers de candidature au premier semestre 2021 (les 26 janvier, 31 mars et 1er juin). Les financements seront reconduits sur 2022.
Le volet territorial qui passe par le fonds d'accélération des investissements, traite les candidatures déposées au niveau régional, et les instruit au fil de l'eau. Jusqu'à épuisement des fonds.
LES 24 PREMIERS LAURÉATS D'AUVERGNE-RHÔNE-ALPES
DE L'APPEL À PROJETS DU PLAN DE RELANCE NATIONAL