On aura la faiblesse d’en rajouter une, au catalogue déjà bien fourni. Elle concerne, cette idée reçue, tout le mal que l’on dit de ces « rurbains » qui ont choisi, travaillant en ville – pardon, dans les métropoles – d’habiter à 20, 30 ou 40km de leur lieu d’activité. Des « rurbains » accusés de tous les maux et surtout de faire flamber la planète avec leurs déplacements domicile-travail et l’usage intensif de la voiture, émettrice de gaz à effet de serre et source de pollution. A l’inverse, vivre en ville (soit dit en passant, pour ceux qui en ont les moyens financiers) serait un modèle de citoyenneté écologique. Encore un coup de nos chers bobos! Car une étude récente conclut exactement à... l’inverse (1).
Une chercheuse (Hélène Nessi) « a constaté que si l’on cumule déplacements de loisirs et déplacements de travail, le nombre de kilomètres parcourus par les habitants de la ville-centre est supérieur à celui des habitants des espaces péri-urbains ». Son étude portait sur les agglomérations de Rome et de Paris. Raisons explicatives: les différences de niveau de vie et de position sociale entre centre-ville et périphérie. Résumons grossièrement: les «pauvres» du péri-urbain n’ont pas les moyens financiers de multiplier les escapades de loisirs en voiture comme les «riches» des villes. Et il y a mieux: en comparant les comportements des habitants des villes à ceux du péri-urbain, à position socio-économique équivalente, les résidents des centres-villes parcourent plus de kilomètres. Les «rurbains» ne sont donc pas ces affreux pollueurs que l’on se plaît à décrire.
Autre résultat démontrant que l’empreinte carbone des habitants des villes n’est pas plus vertueuse que celle des «rurbains»: ce ne sont pas les déplacements en automobile ou le chauffage de la maison (isolée bien ou mal) qui constituent les plus gros postes d’émission de gaz à effet de serre mais... l’alimentation et les biens de consommation. Ainsi, les ménages dont l’alimentation a l’empreinte carbone la plus élevée sont ceux qui ont une alimentation originale. Et ceux-là, on les trouve... en centre-ville. La conclusion de ces études : si l’on veut diminuer chacun nos émissions de gaz à effet de serre, peu importe que l’on habite en ville ou en zone périurbaine. L’important, c’est de privilégier, dans nos achats, les circuits courts de distribution. Autrement dit, manger en hiver des pommes de terre cultivées à côté et achetées directement au producteur, plutôt que des haricots verts importés par avion du Sénégal ou de Côte d’Ivoire... Mais cela, on le savait déjà.
DT
(1) Réhabiliter le péri-urbain, éditions Loco / Forum vies mobiles, 2013