Gueule cassée, conséquence visible d’un accident de la circulation qui décimera une partie de son clan familial, Albert Jacquard, spécialiste de la génétique, chercheur, connu pour ses engagements citoyens, a perdu sa dernière bataille : celle, inique, absurdement injuste, qui l’opposait au fléau de la leucémie. Ce Lyonnais de naissance (1925) a consacré une partie de son existence à étudier la génétique des populations, s’érigeant en rempart face aux thèses racistes, s’ingéniant à les démonter pièce par pièce, admonestant, avec une lucidité mâtinée de sévérité, ses semblables qui pourfendaient les valeurs humanistes, préférant de son côté faire L’Eloge de la différence, comme en témoigne le titre de son opus contre les inégalités, paru en 1978, qu’il défendit et brandit chaque jour comme un étendard. Au crépuscule de sa carrière, Albert Jacquard deviendra la figure quasi tutélaire et protectrice des sans-papiers et des mal-logés. Un humanisme à tout crin qui n’obère pas un pessimisme latent. Dans l’une de ses sorties médiatiques, il pronostiquait sans ambages : «Notre monde court à la catastrophe». Argumentant: «Les milliards d’êtres humains vont s’entre-déchirer pour mettre la main sur des ressources insuffisantes. A moins qu’ils ne s’exterminent à coup de bombes nucléaires ». Vésanie et pure folie, répliqueront les moins ombrageux. Mais à l’aune de l’actualité récente, comment ne pas lui faire crédit? La situation explosive en Syrie, aire de rivalité entre le géant américain et son homologue russe, chacun montrant les muscles pour préserver ses intérêts in situ, gangrène l’optimisme mondial. Tout récemment, François Hollande, qui admet la nécessité d’une « solution politique », diplomatique, réaffirme la ferme obstination hexagonale d’en finir avec les armes chimiques, d’assurer leur contrôle, voire leur destruction. Dans les salons feutrés de l’Elysée, les discussions se poursuivent. Une bataille qui ne peut en occulter une autre, celle destinée à redresser la barre du navire Industrie, errant sur des eaux tumultueuses. A la tête de cette expédition, le capitaine Montebourg qui a dévoilé un projet au nom de code très cocorico, «Nouvelle France industrielle». Un plan de reconquête, nanti de 34 priorités et dont le dessein est de préparer l’évolution de notre industrie vers la transition énergétique et numérique. Une véritable révolution industrielle avec un objectif optatif: créer (ou recréer) en une décennie entre 450 000 et 500 000 emplois. De la voiture qui ne consomme que 2 litres aux 100 au «TGV du futur» estampillé Alstom, en passant par l’avion électrique, les projets sont légion et impactent, positivement il s’entend, moult secteurs d’activité. On évoque subrepticement une voiture sans pilote. Ce qui n’est pas le cas de notre exécutif, n’est-ce pas?
L. O.