Jéremy Galvan, quelle est votre approche de la cuisine gastronomique en tant que chef ?
Un restaurant gastronomique doit aujourd’hui proposer une expérience unique au client. à mes yeux, il est indispensable de les faire voyager. C’est pour cela que je travaille depuis 10 ans à des expériences culinaires multisensorielles sur les cinq sens.
La période Covid nous a permis de dynamiser cette quête expériencielle. Nous nous sommes tous mis dans une bulle pour proposer aujourd’hui huit séquences de plats pour 22 créations au total.
Comment faites-vous pour maintenir ce rythme de « l’excellence » ?
Comme en sport, il faut de l’entraînement mais également du repos. Nous sommes ainsi ouverts tous les soirs du lundi au vendredi ainsi que le vendredi soir, et respectons ainsi une amplitude horaire d’au moins 14 h entre chaque service.
Nous profitons donc de nos week-ends et avons la chance d’afficher complet la semaine. Personnellement, cela me donne du temps pour m’occuper de ma famille et de voir grandir mes enfants.
C’est une manière de répondre à ces problématiques d’employabilité dans les métiers de restauration ?
Pourquoi vouloir arriver au sommet pour le plus grand bonheur des clients en mettant en souffrance ses équipes ? Notre choix de réduire nos journées à un seul service permet de résoudre l’équation d’un cercle vertueux pour tout le monde.
Ce choix implique bien sûr une perte de chiffre d’affaires que nous compensons par une hausse de notre menu qui passe de 98 à 109 euros mais qui inclut plus de créations. 109 euros toute l’année sans rattrapage de prix pendant les fêtes de Noël ou la Saint-Valentin, c’est notre promesse d’une qualité et la garantie d’un modèle équilibré.
"Pendant très longtemps nous nous sommes regardés le nombril en France"
De quelle manière avez-vous aiguisé votre sens de l’innovation ?
J’ai commencé ma carrière dans des maisons traditionnelles très exigeantes. C’est la rencontre avec le monde du théâtre dans lequel évolue mon épouse qui m’a donné ensuite le goût de la liberté, si présente sur les planches.
J’ai cheminé entre 2003 et 2011. Progressivement, je me suis découvert en tant qu’ « idéateur » et « réalisateur », grâce à ma rencontre avec Albéric de Solère qui développe un programme baptisé « Réveil ton génie ». J’ai pu ainsi identifier des pistes d’amélioration. Ça m’a libéré.
On parle justement aujourd’hui beaucoup de « cuisine libérée », qu’en pensez-vous ?
Pendant très longtemps nous nous sommes regardés le nombril en France, à tel point que d’autres nations, nous ont devancées en matière d’innovation.
Aujourd’hui, à Lyon, il est possible de manger dans un étoilé péruvien ou japonais. C’est génial ! En cela, je trouve que OnlyLyon a réalisé un travail de fond en promouvant la cuisine de nouveaux chefs. Cela a fait grandir la ville.
Comment s’inscrit votre étoile Michelin dans votre carrière ?
La génération de chef à laquelle j’appartiens connaît un réel détachement vis-à-vis des parcours étoilés. Quand je me suis installé, j’entretenais une obsession qui me polluait par rapport à une certaine quête de l’excellence. Je crois que plus on est en accord avec soi-même plus on se sublime.
Et on nourrit autant l’âme que le ventre. L’avenir économique de nos établissements gastronomiques tient ainsi en une réelle expérience globale qui doit transporter le client hors de son quotidien.
"Je travaille beaucoup les poissons de lacs"
Quelle est votre approche des produits ?
Elle est locavore. Je recherche des producteurs de conviction, en bio ou en raisonnée, précisément en région, c’est-à-dire le Rhône. Ce territoire regorge de trésors. Et finalement la contrainte que je m’impose dans le travail d’un produit me rend plus créatif.
Je travaille beaucoup les poissons de lacs comme l’Omble chevalier du Léman. J’aime aussi cuisiner le foie gras du Domaine de la Limagne près de Clermont-Ferrand.
Que pensez-vous de la victoire de Davy Tissot au Bocuse d’Or ?
J’ai toujours cru en Davy. C’est une machine de guerre dans le sens où il repousse ses limites en cloisonnant l’aspect émotion qui peut parfois faire vaciller dans ce type de compétition. Ce concours reste à mon sens très intéressant car il est moteur dans la recherche et l’innovation.
Même si je ne suis pas à l’aise pour participer à ce type d’épreuve, je la trouve pertinente car vecteur de dépassement de soi, et très exigeante en matière de rigueur, de travail et d’entrainement. Autant de caps pour aller chercher l’excellence.
Après quatre ans de formation chez Bernard Lantelme, Joseph Viola, Léon de Lyon, Jéremy Galvan est ensuite monté en puissance auprès de chefs comme Jean-Paul Lacombe, Christian Lherm ou Alain Alexanian.
Cette interview est tirée de notre supplément Tout Lyon à Table