Sans donner ni leçon, ni réponse formelle, Marco Bellocchio réalise un film sensible et ouvert sur fond d’euthanasie, dans lequel l’espoir, la vie et l’amour font face à la déraison et à l’obscurantisme moderne.
Comme dans ses autres films (Le Diable au corps, Vincere, Au nom du père…), Bellocchio interroge une Italie tiraillée, divisée jusqu’au coeur de sa cellule familiale. La Belle Endormie a évité l’écueil du film larmoyant sur l’euthanasie. En revanche, à vouloir être prudent, le film pèche parfois par excès de pédagogie, comme si le scénario avait voulu être démonstratif, avec un panel sociologique de quatre différents archétypes face à l’euthanasie. Le 23 novembre 2008, l’Italie se déchire autour du sort d’Eluana Englaro, une jeune femme plongée dans le coma depuis 17 ans. La justice italienne vient d’autoriser Beppino Englaro, son père, à interrompre l’alimentation artificielle maintenant sa fille en vie. Dans ce tourbillon politique et médiatique, les sensibilités s’enflamment, les croyances et les idéologies s’affrontent. Maria (Alba Rohrwacher), une militante du Mouvement pour la Vie, manifeste devant la clinique dans laquelle est hospitalisée Eluana, alors qu’à Rome, son père sénateur (Toni Servillo) hésite à voter le projet de loi s’opposant à cette décision de justice. Ailleurs, une célèbre actrice (Isabelle Huppert) croit inlassablement au réveil de sa fille, plongée elle aussi depuis des années dans un coma irréversible. Enfin, Rossa (Maya Sansa) veut mettre fin à ses jours, mais un jeune médecin (Pier Giorgio Bellocchio Jr) plein d’espoir va s’y opposer de toutes ses forces. Le sénateur lui-même cache un lourd secret et doit se démener entre sa conscience, sa carrière politique et sa fille opposée à ses idées. Quelques belles images étonnantes, comme le bain de vapeur des sénateurs, nous font approcher une Italie encore proche de ses racines romaines et de l’Eglise : « En Italie, on ne gouverne pas sans le Vatican ». Le mélange de documents d’actualité avec les images et les propos (réels) d’un Berlusconi alors chef de l’Etat, plus inepte et indécent que jamais dans ce dossier, remémore au spectateur ce qu’a pu être (ou est encore) le désarroi d’un peuple. Silvio Berlusconi, arguant du fait que la jeune fille endormie (en état de mort cérébrale), avait encore ses menstruations, donc ne devait pas être « débranchée » puisque, par extrapolation, elle était susceptible « d’enfanter » !
Eric Séveyrat
Cinéma - Tout en nuances
Sans donner ni leçon, ni réponse formelle, Marco Bellocchio réalise un film sensible et ouvert sur fond d’euthanasie, dans lequel l’espoir, la vie et l’amour font face à la déraison et à l’obscurantisme moderne. Comme dans ses autres films (Le Diable au corps, Vincere, Au nom du père…), Bellocchio interroge une Italie tiraillée, divisée jusqu’au coeur de sa cellule familiale.
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