Christian Jacques Berret, pourriez-vous commenter vos derniers indicateurs liés à la conjoncture en Auvergne-Rhône-Alpes ?
La reprise économique se poursuit en région Auvergne-Rhône-Alpes, qui reste la première région industrielle de France. Avec tout de même, un ralentissement en octobre qui est un peu moins bon que le national, en raison, selon moi, des difficultés d’approvisionnement qui impactent en premier lieu l’industrie, et donc a fortiori plus notre région.
D’habitude, nos études montrent que l’économie régionale est plus solide que la moyenne française. Une situation paradoxale tandis que les carnets de commande sont remplis. Il n’y a en revanche pas de sujet sur le fait que la reprise soir au rendez-vous, mais les capacités de production sont sollicitées à 77 %, soit en deçà de la moyenne de longue période (79 %), pour le deuxième mois consécutif.
En revanche pas d’exception sur les difficultés de recrutement et qui concernent tous les secteurs d’activité ?
Le débat est posé c’est certain mais je ne le commenterai pas plus car le sujet peut devenir très politique et ce n’est pas mon rôle. Force est de constater en revanche, que la moitié des entreprises reconnaissent des problématiques de recrutement tous secteurs confondus. Le problème reste structurel avec un taux de chômage stable mais élevé. L’enjeu principal est le retour de la croissance à un taux qui puisse justement permettre de répondre à ces enjeux d’emploi.
© Marine-Agathe Gonard
Les prévisions de croissance de la Banque de France optimistes
Comment jugez-vous la résilience des entreprises ?
Au-delà de nos études régulières de conjoncture que nous réalisons, réalisées tous les mois auprès de 1150 entreprises de la région (8 500 sur la France), nos conseils consultatifs départementaux, et les analyses des bilans lors de l’exercice de cotation des entreprises montrent leur solidité, leur résistance et leur capacité de rebond. Mais elles l’étaient bien avant la crise notamment en se diversifiant.
Les aides massives données aux entreprises ont fonctionné, et ont permis à la France d’avoir l’une des meilleures capacités de redressement parmi les autres pays de l’Europe. Ce qui nous permet de réviser d’ailleurs régulièrement nos perspectives de croissance à la hausse. On pourrait ainsi atteindre 6,75 % de croissance d’ici fin décembre contre 6,3 % actuellement ; nos prochaines prévisions seront publiées normalement début décembre.
L’addition de mesures à court terme devrait selon moins atténuer l’effet massif des défaillances d’entreprise que l’on prédit. Même celles fragilisées par la crise auront pu revoir leur modèle économique pour pivoter dans leur business. Il y aura forcément des entreprises qui viendront à la barre du tribunal de commerce de Lyon mais moins qu’on aurait pu le craindre.
Quels sont selon vous, les points de vigilance pour les entreprises ?
Concernant les remboursements des PGE, 16 % des entreprises (selon bpifrance, ndlr) ont déjà remboursé le leur, 67 % l’auraient échelonné jusqu’à 2026. Il reste donc 17 % d’entreprises qui devront rembourser à moyen terme. Le risque de perte estimé pour l’Etat se chiffrerait à 3,8 % du montant des PGE, ce qui n’est pas beaucoup.
Ce risque est aussi appelé à baisser car nous avons mis en place avec l’Etat, les comités de sortie de crise, qui permettent de faire de la prévention auprès des entreprises sur des sujets de fonds de propres, d’orientation stratégique vers des méthodes d’avenir pour exercer ces activités comme celle de la digitalisation, ou de prise en compte de l’environnement dans de nouveaux business. Les conséquences climats ont des incidences financières importantes. Le risque est bien mesuré et peut être systémique et financier avec le remboursement dans le cadre de catastrophes naturelles qui se multiplient. Et nous en tirons la conséquence au niveau financier
Quid du verdissement de la finance ?
La Banque Centrale Européenne va par exemple analyser dans les garanties apportées l’Eurosystème par exemple, des actions « climat compatible » dans le comportement des entreprises. Depuis 2018, la Banque de France possède une approche décarbonée dans ses placements pour ses fonds propres par exemple. Par là, nous avons réellement engagé un mouvement de verdissement auprès des différentes banques centrales, avec 80 établissements de ce « réseau « vert » qui applique des règles communes au niveau des financements. C’est une démarche au-delà de la morale, de survie car les risques sont concrets.
Cette démarche de verdissement est déjà lancée dans la cotation des entreprises que nous effectuons au niveau de la Banque de France.
Nous avons cette chance de pouvoir refinancer des créances sur les PME au plan européen, avec de bons risques qui concernent les PME à partir de 750 000 euros de CA. Cela représente un bon gisement de refinancement pour les banques françaises et des taux attractifs pour nos PME.
Dans ce système de cotation, nous intégrons des critères de plus en plus qualitatifs, tels que les délais de paiement. Et puis nous essayons d’intégrer progressivement des critères environnementaux. La difficulté reste de prendre le qualitatif et de le transformer en quantitatif.
© Marine-Agathe Gonard
Cryptomonnaies : "Nous restons vigilants sur le long terme"
On sait la Banque de France très vigilante sur les cryptomonnaies. Quelle est votre démarche sur ce sujet ?
Je me permets de rectifier, il s’agit plus de cryptoactifs que de cryptomonnaies. En effet, la monnaie a trois fonctions : réserve, échange et mesure de valeur. Les cryptoactifs sont tellement volatils qu’on ne peut pas les considérer comme une monnaie. On ne peut pas par exemple les économiser sur du temps long, au vu des variations extrêmement instables.
La monnaie est quelque chose de grave, d’indispensable et de sérieux qui sous-tend tout une économie. La forme de la monnaie n’est qu’un outil qui cependant n’est pas neutre. Il y a une confusion dangereuse lié à ces cryptoactifs car la souveraineté de la monnaie est remise en question. Si des monnaies internationales non maîtrisées, purement privées et mal contrôlées, circulent, c’est un risque pour les populations et un risque de perte de souveraineté soit pour des pays, ou un groupe de pays. La Chine a d’ailleurs débuté la limitation du bitcoin.
De plus, les monnaies dites « crypto » ne représentent qu’une quantité infime des monnaies en circulation dans le monde, même si cela peut s’inverser et aller très vite. Ce n’est donc pas un risque immédiat mais nous restons vigilants sur le long terme. C’est pour cela que les banques centrales s’y intéressent. Nous veillerons sur la monnaie que les citoyens plébisciteront.
Vous êtes d’ailleurs pro-actifs avec le lancement d’une monnaie numérique de banque centrale ?
La France a toujours été en avance au niveau système des paiements électroniques et d’interbancarité. Nous avons effectivement initié la monnaie numérique des banques centrales. Nous sommes en phase d’essai et de test d’une monnaie de référence que les gens pourront utiliser en concurrence d’autres monnaies et qui aura des avantages de garanties, de sécurité et de stabilité. Les innovations financières se répandent à toute à allure et sont moins sécurisées que des démarches industrielles protégées par exemple par des brevets.
Entre nous...
Son style de management... rigueur, exigence et ouverture d’esprit à l’image de mes équipes d’ailleurs (450 collaborateurs).
Ses lectures... les livres d’histoire et de géostratégie
Son lieu ressourçant... je le garde pour moi mais son histoire le rend d’une très grande profondeur et tend à la paix de l’esprit
Ses inspirations... Napoléon Bonaparte parce que c’était un véritable homme d’Etat, visionnaire.