Deux femmes président aujourd'hui aux destinées de la troisième cour d'appel du pays, plus haute juridiction sur les trois départements du ressort que sont l'Ain, la Loire et le Rhône.
Lors de l'audience solennelle de début d'année, mercredi 11 janvier, la procureure générale près la cour d'appel de Lyon, Fabienne Klein-Donati, brossait un tableau de l'année judiciaire écoulée. Elle remerciait une myriade d'acteurs de la justice mais aussi de la police, de l'administration, du monde associatif et des élus locaux, "avec lesquels les procureurs travaillent au quotidien sur le terrain." Elle poursuivait : "Les procureurs et substituts sont des passeurs de justice, lorsqu'ils sont dans les réunions de terrain autour des maires, des policiers, dans les communes."

La procureure générale, ayant autorité sur cinq parquets, a mis en avant afin d'en promouvoir l'usage, la procédure de reconnaissance préalable de culpabilité, qui permet "de voir prononcées des peines mieux adaptées parce que comprises par les prévenus. Ils peuvent solliciter eux-mêmes cette procédure."
4207 affaires en stock au sein de la cour d'appel de Lyon
La première présidente de la cour d'appel de Lyon, Catherine Pautrat, installée il y a quatre mois, se livrait, eu égards à la liberté de ton propre aux magistrats du siège, à des commentaires très durs sur l'état de la justice de notre pays.

de la cour d'appel de Lyon.
"La France n'a pas la justice qu'elle mérite, comment en est-on arrivé là ? On assiste à un déni de justice organisé", déplorait-elle, fustigeant le manque d'effectifs et de moyens du ressort de la cour, qui compte 260 magistrates et magistrats, et 1 200 agentes et agents : "La France compte 11,2 magistrats pour 100 000 habitants alors que la médiane européenne est de 17,6. La France a toujours peu investi pour sa justice avec 73 euros par habitant en 2021..."
"Il manque à cette seule cour d'appel de Lyon 15 magistrats du siège, soient cinq chambres. Malgré cela, les juges et fonctionnaires ont réussi à produire 15 000 décisions en 2022", faisait-elle remarquer.
Dans le ressort de la cour d'appel de Lyon, ce sont 34 % d'affaires nouvelles enregistrées entre 2017 et 2022, dont 69 % rien que pour la chambre de l'instruction ; 4 207 affaires étaient en stock en cette fin d'année 2022, soit un chiffre multiplié par 2,3 depuis cinq ans. En 2017, on comptait moins de 1 800 affaires dans les tiroirs et les placards de la cour.
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Les enjeux sociaux autour de la justice
La mise en place des cours criminelles départementales ne va pas mathématiquement faire baisser le stock, même si cela va donner, à juste titre, plus de poids à nombre d'affaires d'agressions sexuelles en les "criminalisant", en les sortant des chambres correctionnelles. "Il faut cependant trouver cinq magistrats professionnels pour chacune des sessions, précisait la procureure générale. Les mêmes qui laisseront vacants leurs postes respectifs pendant ce temps-là".
"Il faut du temps pour rédiger un arrêt, il faut du travail de recherche", reprenait la cheffe de juridiction, qui salue la progression effectuée avec le renfort des équipes assistant le juge. "Mais ce n'est pas suffisant, et malheureusement la sobriété et la simplicité procédurales ne sont pas des concepts français. En cette occasion, j'ai une pensée personnelle pour la juge décédée en audience au tribunal de Nanterre (juridiction que présidait Catherine Pautrat avant sa nomination à Lyon et au sein de laquelle, Marie Truchet, magistrate, est décédée d'un AVC en pleine audience le 18 octobre 2022. Elle est devenue le symbole de l'épuisement de la justice et de ses conditions de travail dégradées, Ndlr)."
cour administrative d’appel de Lyon : "la cour est un peu sous-employée"
"Un magistrat tuteur sera installé au sein de la cour, concluait Catherine Pautrat, afin de former les jeunes assistants et fonctionnaires aux méthodes de travail de la cour... Nous allons développer une charte sur les Mard (modes alternatifs de règlement des différends, Ndlr) et travailler avec les bâtonniers du ressort.Nous allons promouvoir la conciliation et la médiation, enfin nous organiserons une table ronde avec les députés."
Pour Catherine Pautrat, la justice est "un enjeu social puissant" auquel il faut donner plus de lisibilité.
La cour d'appel de Lyon se dévoile
Plus anecdotique, mais signe d'un changement de ton à la tête de la cour, la juridiction est présente en tant que tel sur Linkedin, un journal interne baptisé 24 colonnes infos est créé et la cour va s'impliquer dans les journées du patrimoine.