Bruno Kloeckner, directeur général de XPO Logistics France : "L'outil digital doit nous permettre de décarboner nos flux de livraison"

Bruno Kloeckner, directeur général de XPO Logistics France dont le siège est basé à Lyon, veut pousuivre la décarbonation de ses flux de livraison en s'appuyant sur l'outil digital. Déjà bien avancé dans la démarche, le groupe américain a été distingué par l'Agence de la transition écologique (Ademe), la semaine dernière. XPO a reçule trophée de la longévité dans le dispositif CO2 du programme EVE porté par l'Ademe.

Bruno Kloeckner, quelle est l'organisation d'XPO Logistics en France ?

XPO en France, ce sont 7 000 collaborateurs dont 4 000 conducteurs avec 116 sites dont environ 90 agences transport. Nous avons le siège d'XPO Logistics France basé à Lyon, celui de la distribution palettisée basé à Andrézieux-Bouthéon dans la Loire ainsi qu'une base "lot complet" située à Saint-Rambert-d'Albon dans la Drôme. Ces deux dernières entités représentent près de 80 % du chiffre d'affaires de l'entreprise en France. Sans oublier notre activité "4PL" située à Saint-Priest, dédiée à l'externalisation du transport pour nos clients. Nos activités de dédouanement (air/mer) sont par ailleurs basées à Villepinte en région parisienne. Nous disposons également de plusieurs hubs dédié à l'international pour assurer le transport international des marchandises qui représente 20 % de notre chiffre d'affaires. Et puis, nous possédons sept agences qui réalisent de l'avitaillement.

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Bruno Kloeckner : "Le chiffre d'affaires de XPO Logistics France est de 1,2 milliard d'euros"

Dans quel type de marchandise êtes-vous spécialisé et sur quels segments logistiques êtes-vous positionnés ?

Nous sommes spécialisés dans le lourd, l'encombrant et les matières dangereuses et sommes capables de livrer au dernier kilomètre. Nous proposons également un service de location dédiée avec conducteur.

2015 et le rachat du groupe Dentressangle représentent une vraie bascule dans le développement d'XPO Logistics ?

L'entreprise Dentressangle maillait déjà le territoire français avant le rachat. En 2015, XPO rachète Dentressangle pour créer un conglomérat dans le transport et devenir l'un des leaders mondiaux de ce secteur. Le groupe a ainsi pesé près de 17 milliards d'euros, au gré d'acquisitions de nombreuses sociétés de transport et logistique dans le monde, dont Dentressangle. Le chiffre d'affaires d'XPO Logistics France est de 1,2 milliard et représente la moitié du chiffre d'affaires d'XPO Europe. Il s'agit aussi du deuxième marché du groupe à l'échelon mondial.

Le dernier kilomètre, un enjeu fort de compétitivité pour XPO Logistics

Comment pourriez-vous décrire le marché du transport en France et quels sont les enjeux associés pour votre groupe ?

Le marché du transport en France est très fragmenté, avec 83 % du marché réalisés par des entreprises de moins de 10 salariés. Et nous sous-traitons 50 % de notre chiffre d'affaires. Nous sommes donc très liés avec cet écosystème de PME. Nous sommes un acteur global mais avec la structure du marché ainsi morcelée, nous devons agir en proximité. Nous fonctionnons en mode "end to end", c’est-à-dire que nous sommes capables d'organiser la logistique d'un client de bout en bout, en commençant par l'approvisionnement et la distribution, le transport, la livraison au client et en terminant par la logistique de retour.

Nous disposons ainsi de 500 000 m² de surface de stockage à proximité des grands ports en Europe (116 sites en France), qui nous permet ensuite de décharger puis charger la marchandise jusque par exemple dans l'une de nos bases de distribution palettisée (Environ 30 en France). Nous bougeons une palette toutes les secondes et plus de 30 000 palettes par jour. Ce qui nous permet de distribuer en un ou deux jours cette marchandise partout en France. Nous sommes aussi capables de récupérer des palettes ou des produits dans ces bases là et de livrer au dernier kilomètre. Depuis le 1^er trimestre 2022, nous pouvons connecter le dernier kilomètre avec toutes nos bases en France.

Nous avons aussi développé une nouvelle compétence, au-delà de la livraison en ultra local, en étant capable de déposer la marchandise sur le trottoir, à l'intérieur d'un bâtiment, ou dans une pièce précise, voire de proposer un service de montage/démontage de meuble. C'est un segment qui se développe très fort.

"Nous devons prendre notre part de décarbonation", estime Bruno Kloeckner

Quel a été l'impact de la crise Covid sur vos activités ?

Les impacts ont été immédiats pendant et après le Covid. Mais depuis la fin de l'année 2021, nous avons retrouvé notre chiffre d'affaires d'avant crise. En revanche, les clients sont par exemple plus sensibles au respect des distances entre les personnes. Nous avons des outils de mesures qui préviennent de tout cluster Covid pour nous permettre de maîtriser les risques et mettre en place s'il le fallait, un protocole dédié.

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Les enjeux de décarbonation se sont accélérés aussi ?

Le sujet de la décarbonation de nos activités est l'un de nos piliers stratégiques. A la fois sur le capital humain et la satisfaction du client. Pour nous, la satisfaction du client passe aussi par la satisfaction des collaborateurs. C'est donc tout naturellement que l'enjeu de la décarbonation s'impose à nous puisque nous devons nous occuper à la fois de la planète et de l'humain. Le transport routier provoque plus de 20 % d'émissions de CO2, nous devons donc prendre notre part de décarbonation.

Pour répondre aux enjeux de décarbonation sur les longues distances, nous avons formé nos équipes aux différentes énergies que nous avons à disposition dans le transport. Nous nous définissons d'ailleurs comme un fournisseur de solutions multi-énergie. Nous sommes passés d'une commodité en diesel au B100 (à base d'huile de colza) ou au HVO (bio carburant à base d'huile végétale hydrotraitée), qui décarbone à 90 %. Cette énergie est plus chère que le gasoil mais nous pouvons l'utiliser sans transformer la motorisation de nos camions. Et on peut la mélanger au gasoil. Nous roulons également au gaz. Nous croyons dans toutes ces énergies et bien sûr en celle de l'électricité. Nous avons récemment investi dans 100 camions électriques fabriqués par Renault Trucks et nous prévoyons d'effectuer environ 25 % de nos livraisons avec des véhicules électriques d'ici 2030. C'est une énergie qui décarbone et qui n'émet pas de particules fines.

"Des délais plus courts de livraison impliquent un impact plus fort sur l'environnement."

En quoi le camion électrique est-il pertinent ?

Nous avons testé ce camion dans la région lyonnaise pendant un an ; ce qui nous a permis de mieux analyser nos flux en hyper urbain, qui sont très courts mais qui prennent du temps. En moyenne, un camion de livraison s'arrête entre 12 et 15 fois dans une journée. 250 kilomètres d'autonomie, ça peut paraître peu, mais en ville c'est beaucoup : ça représente sept fois le tour du périphérique parisien. C'est un atout important, notamment dans la perspective des zones à faibles émissions. 700 000 camions circulent en France, 40 000 sont produits chaque année dont 1 000 camions électriques. Pour faire face aux ZFE, il faudra en produire beaucoup plus.

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Amazon a généralisé la livraison ultra rapide auprès des particuliers, les attentes et logiques sont-elles les mêmes pour vos clients ?

La question est compliquée. On ne peut pas ignorer un tel besoin qui s'exprime. Mais il faut être conscient qu'une livraison rapide implique un coût et a un impact sur le niveau de CO2 émis car le camion ne partira pas forcément à pleine charge. C'est pour cela que le digital doit nous permettre d'optimiser nos chargements. Il est nécessaire d'informer nos clients que des délais courts de livraison impliquent un impact plus fort sur l'environnement. Et de leur préciser qu'un décalage de livraisons pourrait relâcher la pression sur la pollution. Les calculateurs CO2 se multiplient d'ailleurs au niveau des solutions de commandes. Je prédis que nos acheteurs vont être objectivés sur les économies de CO2, avec notamment l'arrivée de la taxe carbone aux frontières de l'Europe. Un jour ou l'autre, on s'attend à être taxé sur les émissions de Co2.